L’utopie linuxienne constitue déjà une alternative viable à Microsoft. Dès cet été, elle transformera aussi la Playstation en ordinateur. Tout le monde en veut.
Le mot Linux entre dans le langage courant. On l’entend partout, jusque dans la dernière campagne télévisée d’IBM, qui se vante de sa gamme de serveurs «spécialement conçue» pour fonctionner avec ce système d’exploitation. Comment un projet utopiste et communautaire est-il devenu un argument publicitaire du plus grand constructeur informatique du monde?
Pendant longtemps, Linux a été perçu comme un système réservé aux informaticiens coincés et monomaniaques. Le logiciel a été développé en 1991 par l’un des leurs, l’étudiant finlandais Linus Torvalds. Son idée de base: faire fonctionner un simple PC avec un système d’exploitation inspiré des ordinateurs de plus gros calibre, au lieu de rester condamné à utiliser Windows. Et concevoir ce nouveau système dans une totale transparence, de manière à permettre à chacun de l’améliorer.
Le succès est allé au-delà des espérances du jeune Linus, et de l’ensemble du secteur. Même si Windows conserve une position hégémonique sur le marché des ordinateurs personnels (95%), la popularité de Linux dans le haut de la gamme (serveurs d’entreprises) ne cesse de croître. De puissants sites Web comme ceux d’Amazon.com ou de Salon.com reposent sur Linux. Et tous les grands constructeurs informatiques proposent désormais ce système en standard.
Comment ces géants ont-ils été finalement conquis par l’idée linuxienne? «Pour les gros ordinateurs, Linux offre un avantage décisif: il ne dépend pas du fabricant de la machine, explique Peter Stammbach, responsable dans le secteur des serveurs haut de gamme d’IBM Suisse. Un client qui utilisait par exemple Linux sur un ordinateur Compaq peut ensuite acheter une machine Dell, HP ou IBM, sans devoir redévelopper ses programmes.»
Autre avantage décisif: le prix. «Comme Linux est bon marché, voire gratuit, les écoles professionnelles l’installent volontiers, poursuit Peter Stammbach. On trouve ensuite plus facilement des ingénieurs spécialisés Linux que des spécialistes de systèmes propriétaires.»
Du côté du grand public, Linux a toujours eu du mal à s’imposer. C’est que derrière l’interface graphique, plus ou moins élégante en fonction des versions, se cache un noyau technique complexe qu’on ne peut gérer qu’au moyen de commandes compliquées. Du coup, l’installation et l’utilisation de Linux peuvent se révéler complexes pour un simple usager.
L’autre obstacle vient du manque de logiciels standards. Il existe bien une suite de logiciels bureautiques gratuits (StarOffice), compatibles avec les applications comme Word ou Excel, mais on ne peut espérer trouver les programmes d’usage ou les jeux.
Cette situation pourrait bien changer: Sony vient d’annoncer la commercialisation d’un kit Linux compatible avec sa console Playstation 2. Commercialisée dès cet été en Europe pour environ 300 francs suisses, cette option transformera la console de jeu en un ordinateur personnel, avec un disque dur de 40 Go, ainsi qu’un port USB permettant d’attacher un clavier et une souris à la console.
Une passerelle qui permettra peut-être à Linux de se développer aussi dans les foyers.
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Une version de cet article de Largeur.com a été publiée le 10 février 2002 dans l’hebdomadaire Dimanche.ch.
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