Champions sponsorisés, compétitions télévisées: le «gaming» est devenu un sport. Les matches romands vont prochainement s’intégrer dans les classements internationaux.
Le jeu vidéo présente toutes les caractéristiques du sport d’élite version contemporaine: ses adeptes vouent un culte à la performance, s’affrontent pour des enjeux symboliques et développent des aptitudes individuelles dans des compétitions à fort potentiel médiatique.
Ils ont déjà leurs champions généreusement rémunérés, leurs coaches professionnels et des sponsors au budget sans limite. Ne manque plus que l’inscription aux Jeux olympiques.
Aux Etats-Unis, la Cyberathlete Professional League (CPL) a justement été fondée pour permettre au jeu sur ordinateur d’accéder au statut de sport de haut niveau. Elle organise régulièrement des tournois, dont le dernier a attiré près de 1500 monomaniaques en décembre dans un stade de Dallas.
Ces compétitions voient s’affronter des équipes territoriales dans une véritable tuerie virtuelle (le jeu Counter Strike), «avec des prix en cash qui montent jusqu’à 150 000 dollars», précise la notice. Les joueurs, vêtus du blouson de leur équipe et concentrés sur leurs manettes comme des pilotes de F1, revendiquent sérieusement le statut d’athlètes. Certains professionnels touchent déjà des salaires à six chiffres. Le bridge et le tir au pistolet on déjà droit au statut de sports, alors pourquoi pas le «gaming»?
«Certains jeux vidéo exigent une grande habileté manuelle ou intellectuelle», dit Jacques Deschenaux, l’ex-responsable des sports à la TSR, qui reconnaît jouer occasionnellement au Grand Prix avec une console qu’on lui a offert. «Je suis donc prêt à considérer qu’il s’agit d’une sorte de sport, même si la dimension humaine n’est pas suffisamment développée à mes yeux.»
La TSR n’envisage cependant pas de diffuser des compétitions de Counter Strike en direct dans ses émissions sportives. Aujourd’hui, seule la télévision sud-coréenne retransmet ces tournois où l’on voit à la fois les joueurs aux manettes et leur avatar dans un environnement virtuel.
«Pour qui connaît un peu les règles du jeu, ces compétitions peuvent devenir très spectaculaires», dit Jérôme Cuendet, 24 ans. Sous la bannière de Switzerlan.com, cet étudiant en informatique a organisé plusieurs LAN parties, des compétitions où se sont affrontés jusqu’à 200 cyberathlètes amateurs dans la salle communale de Prangins (VD). «Nous avons contacté la CPL aux Etats-Unis pour nous intégrer dans leur système de points, qui correspond un peu au classement ATP en tennis», dit-il.
La Cyberathlete Professional League évalue à 200 millions le nombre de «gamers» réguliers, dont près de 30 millions pourraient devenir des cyberathlètes. Un marché massif qui devrait tôt ou tard éveiller l’intérêt du Comité international olympique – malgré la liste d’attente d’une trentaine de disciplines, comme le billard ou les échecs, qui ont déjà été officiellement validées par le CIO et attendent d’être intégrées au programme olympique.
Reste à savoir si le jeu sur ordinateur est suffisamment physique pour accéder au statut de sport. «Des accélérations cardiaques et quelques mains moites ont été observées», répond Kimberly Vizurraga, vice-présidente de la CPL, contactée par e-mail. «J’ai même vu des cyberathlètes avec le front luisant de sueur.» Sans parler de la tendinite pollici-digitale, qui fait très mal au pouce…
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Une version de cet article de Largeur.com a été publiée le 28 avril 2002 dans l’hebdomadaire Dimanche.ch.
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