CULTURE

Michael Herbig, le cinéaste qui déride l’Allemagne

Cet humoriste furieusement gay cartonne sur les écrans d’Allemagne. Son dernier film y a dépassé l’audience de «Titanic». Portrait.

Il ne s’attendait certainement pas à un tel succès. Lorsque Michael «Bully» Herbig présente son deuxième film au public en juillet 2001, il veut juste amuser la galerie. «La chaussure du Manitou» doit raviver la flamme du Far West dans les foyers allemands.

En parodiant les classiques de Karl Mai, «Winnetou» et les westerns spaghetti, il signe la comédie la plus burlesque de la saison. Plus de 11 millions de spectateurs se précipitent dans les salles. «La chaussure du Manitou» devient le plus grand succès de l’histoire du cinéma allemand. Même «Titanic» n’a pas fait mieux.

Herbig se révèle être un réalisateur talentueux, qui maîtrise le sens de l’humour sur la durée d’un film. Les gags se succèdent sans cohérence mais le plaisir du spectateur réside justement dans l’aberration permanente du scénario.

Grisé par le succès phénoménal de sa comédie, Herbig décide d’écrire une suite, ou plutôt de laisser le public choisir le thème par l’intermédiaire d’internet. Il propose ainsi quatre sujets à choix: «La chaussure du Manitou 2»; une parodie homosexuelle de «Star Trek»; une histoire «crédible» de Sissi (dans laquelle il jouerait le rôle de l’impératrice) et un «film avec lequel personne ne compterait».

Plus d’un million d’internautes ont choisi: il s’agira de «Star Trek (Unser Traumschiff)».

Photographe de formation, Michael Herbig a fait ses débuts humoristiques à la radio avant de travailler pour la chaîne locale munichoise et la radio-télévision bavaroise. Celui que l’on surnomme Bully tente alors sa chance dans la chaîne privée Pro7 et crée «Bullyparade».

L’émission est un mélange de late-show et de comédie musicale. Elle traite aussi bien de télévision, de cinéma que de politique et joue sur les clichés de la société allemande. C’est au cours des six années de diffusion de l’émission que Michael Herbig crée les personnages qu’il utilisera au cinéma: l’indien Abahachi au fort accent bavarois, le vulcanien mister Schpuck aux gestes précieux et l’impératrice Sissi enfermée dans son rêve alpin.

A ces personnages s’ajoute une myriade de créations, du loubard de banlieue à l’intellectuel polonais en passant par le mafioso intéressé par la vente de marrons, le présentateur de JT grec, le sociologue intello-écolo ou le rappeur américain. Sans oublier les imitations du tsar de la mode munichois Rudolph Mooshammer ou du footballeur Franz Beckenbauer.

Gay lui-même, Bully ne se prive pas de tourner l’homosexualité en dérision. Irrésistible de voir par exemple l’équipage du vaisseau Enterprise se faire traiter de «grosses pédales» par leurs ennemis et s’entourer la taille d’une serviette à la vue du corps musclé de leur professeur de sport…

Dans «La chaussure du manitou», Abahachi présente son frère jumeau homosexuel Winnetouch, tenancier d’un salon de beauté en plein Far West qui monte à cheval avec une ombrelle rose en buvant son verre de prosecco. Car Bully ne cesse de le répéter: le public doit enfin apprendre que «l’homosexualité existait au Far West».

Cet humour gay prend une dimension toute particulière quand Bully et ses compères s’attaquent à l’Allemagne des années 30 et à ses valeurs teutonnes, en utilisant Hitler comme figure humoristique. Adolf devient tour à tour un baromètre-nain-de-jardin ou un petit morveux qui va chaque jour chercher son bonbon chez l’épicier juif, lequel, fatigué de sa grossièreté, lui remet après des années une grenade dans la main…

A 34 ans, Michael Herbig est devenu l’humoriste allemand le plus populaire, à la fois réalisateur, producteur et acteur. Sa Bullyparade télévisée prendra fin cet été. Herbig a déjà annoncé vouloir en finir avec l’humour pour se lancer dans un genre nouveau. Mais il a compris qu’il ne sera jamais champion du monde de football (un vieux rêve).