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Jospin, Zidane, Messier: la défaite est en eux

On pense à Jean-Pierre Raffarin, le chantre de la «France d’en-bas» arrivé tout en haut, à Matignon.

Le nouveau premier ministre saura-t-il gérer la France qui perd? Car la France, depuis plusieurs semaines, ne cesse de perdre. On a envie d’écrire, pour paraphraser un équipementier sportif, «la défaite est en eux».

Il y a encore quelques semaines, trois champions estampillés 100% Hexagone s’apprêtaient à écrire un nouveau chapitre de leur épopée, à balayer une adversité qui semblait sans prise sur eux: ils avaient écrit la suite avant de livrer le combat, sûrs de leur fait. Ils s’appellent Lionel Jospin, Zinedine Zidane et Jean-Marie Messier.

Deux énarques et un fils d’immigré maghrébin. Deux maîtres du monde (Zizou et J2M), et un social-démocrate persuadé de son exception française (35 heures et compagnie).

Quelques semaines plus tard, les trois champions sont dans les cordes. Bleus à l’âme pour Zidane après une défaite face à des adversaires abordés avec mépris, épilogue politique pour Jospin noyé par une vague bleue longtemps (par lui) considérée comme improbable, et sortie sous les lazzis pour le patron de Vivendi Universal, enfant chéri d’une énarchie qui l’a longtemps protégé.

Ils ont beau évoluer dans trois sphères de la société fondamentalement différentes, les trois héros défaits ont tous fauté par cette expression si française: l’arrogance. Une tare rédhibitoire quand l’offre de la mondialisation, l’abondance de ses choix, rend impensable l’étalage de sa propre suffisance, de ses qualités érigées en monopole.

C’est un peu comme si la punition divine avait sanctionné trois impardonnables pêchés d’orgueil. Prenez l’équipe de France. Elle n’avait pas encore atterri à Séoul qu’elle se demandait qui, en finale, serait de taille à lui disputer le sceptre.

«Nous avons gagné en 1998 et nous sommes plus forts qu’il y a quatre ans», disaient les joueurs. On connaît la suite, amplement disséquée.

Peu auparavant, Lionel Jospin avait commis la même erreur de jugement, affligeante morgue au moment de disputer la joute électorale. «Je suis le meilleur Premier ministre de la Cinquième République», semblait dire l’ex-homme de Matignon, «les Français ne voudront jamais de l’Autre».

Au lieu de faire campagne, de descendre sur le terrain, au lieu de proposer, il attendit la défaite du rival. Tout comme les Bleus attendirent ces Sénégalais qui n’auraient jamais l’indécence de prétendre jouer au football pour battre les Champions du Monde.

Le cas Messier est à peine différent. La bourse, bonne fille, en avait vu d’autres. Elle allait bien s’accomoder de ces petits arrangements avec la bienséance comptable. Après tout, la cause était bonne: bâtir un champion français de la communication, qui allait en remontrer aux guignols de Hollywood.

Tous les moyens étaient bons pour y parvenir. Le pire pour un champion français (devenir américain) comme le meilleur (ces achats de sociétés un peu excessifs).

On pourrait terminer en disant, comme tout le monde, «plus dure est la chute». Mais c’est impossible, parce que nos trois champions n’ont pas chuté. Ils ont tout simplement été eux-mêmes, Français jusqu’au bout, incapables de se remettre en cause.

En somme, ils ont bâti leur défaite au sommet de leur gloire, comme d’autres construisent les victoires de demain après leurs plus grands échecs. Bernard Tapie, avant eux, l’a démontré, ils ne se relèveront pas. C’est aussi une exception française. Une délicieuse exception.