- Largeur.com - https://largeur.com -

Eric Ravussin, le Vaudois qui va faire mincir l’Amérique

Manger moins permet-il de vivre plus longtemps? Un chercheur vaudois, Eric Ravussin, vient de recevoir 12,4 millions de dollars du gouvernement américain pour tenter de répondre à cette question.

Des études ont déjà prouvé que des restrictions caloriques opérées sur des rats prolongent considérablement leur espérance de vie et les préservent de maladies chroniques. Il appartient désormais à Eric Ravussin, biologiste diplômé de l’Université de Lausanne, de voir s’il en va de même pour les hommes.

Les résultats de son étude, attendus dans sept ans, détermineront le contenu des assiettes du futur. De Lausanne à Baton Rouge (Louisiane) où il vit actuellement, ce chercheur a suivi une trajectoire passionnante.

Plus d’un quart de siècle avant M6, Eric Ravussin et l’équipe de l’Institut de physiologie de Lausanne avaient conçu un «Loft». En l’occurrence, la première «chambre métabolique» du monde. Des étudiants en médecine y étaient enfermés et observés durant 24 heures.

J’ai retrouvé Catherine, la première «lofteuse» du jeune assistant qu’était alors celui qui fait aujourd’hui la une de la presse américaine (articles dans le Wall Street Journal, Newsweek, USA Today). Elle se souvient très bien de cette expérience peu commune.

«Mon «loft» possédait une table, une chaise, un lit, des WC, une TV, une radio. Je pouvais m’y livrer aux activités de mon choix. En fait, j’ai lu et dormi. Pour jouir d’un peu d’intimité, j’avais la possibilité de tirer des rideaux sur les vitres qui m’entouraient. Mon audimat se limitait à quelques copains d’étude qui venaient me dire bonjour derrière la vitre.»

«A heures fixes, par un sas, on me faisait parvenir des plateaux-repas que je devais avaler intégralement. Je recueillais mon urine dans des bouteilles. L’objectif consistait à calculer combien de calories j’absorbais et dépensais. A ma sortie, l’expérience s’est révélée plus intrusive qu’imaginée: prise de sang, mesures de mes plis graisseux à tous les endroits du corps. Rien de très agréable. Mais que ne ferait-on pas pour la science…»

Quelques années plus tard, Eric Ravussin quitte la Suisse pour les Etats-Unis. A Burlington (Vermont), il effectue des expériences dans le domaine de la suralimentation. Puis bref retour au pays avant de repartir pour Phoenix où il publie de nombreux travaux sur les mécanismes de l’obésité chez les Indiens Pima.

En Arizona, des centaines d’entre eux vont alors prendre place dans sa «chambre métabolique». 70% des Pima sont obèses, or, selon Eric Ravussin, «il ne fait aucun doute que ces gens souffrent d’une maladie génétique (thrifty gene). Ce n’est ni de la paresse, ni de la gloutonnerie».

Durant seize ans, le Vaudois a travaillé sur les aspects génétiques de l’obésité, un sujet qui ne concerne pas uniquement les Pima. «Ces travaux serviront un jour toutes les personnes souffrant de surpoids. Lorsque nous connaîtront les gênes exacts, nous serons en mesure de résoudre le problème», affirme-t-il confiant.

Depuis peu, Eric Ravussin travaille au «Centre de recherche biomédicale Pennington», à Baton Rouge. C’est dans le cadre de cette institution que sera menée sa recherche sur les éventuels bénéfices, à long terme, d’une diète prolongée sur des personnes non obèses

«Il ne sera pas facile de recruter des cobayes suffisamment motivés pour accepter de se sous-alimenter pendant plusieurs années. Subir 25 à 30% de restriction calorique n’est pas rien!», estime le directeur du projet. Fini le n’importe quoi, n’importe où et n’importe comment. Les personnes testées mangeront essentiellement des fruits, des légumes, des céréales et du lait. Quant aux protéines, elles seront soigneusement sélectionnées.

Dans la «Fast Food Nation» (allusion au livre éponyme d’Eric Schlosser) qui voit chaque année 2 millions de ses citoyens mourir d’obésité et de maladies associées à l’obésité «être gros n’est pas patriotique», comme le déclarait à la fin du mois dernier George W Bush. Pas étonnant que dans un pays qui vient de déclarer la guerre à un nouvel ennemi, la graisse, la démarche du scientifique suisse suscite autant d’espoir.

——-
Une chambre métabolique est un local hermétique équipé de systèmes d’analyse des gaz permettant d’évaluer la consommation d’oxygène et la production de gaz carbonique du ou des individus qui l’habitent.