Aux Etats-Unis, il est devenu si coûteux de se marier que certains couples font sponsoriser leur noce pour alléger la note. Rencontres.
«C’est en regardant Oprah que je me suis dit: voilà nous allons enfin pouvoir nous marier», raconte Corinthia Batista. La reine du talkshow américain avait ce jour-là invité un jeune homme de Philadelphie, Tom Anderson, qui partageait l’expérience géniale de son mariage sponsorisé.
En quelques mois, il a convaincu 24 commerçants locaux de lui fournir le nécessaire pour la noce, du gâteau de mariage aux cartons d’invitation. Le coup a plutôt bien réussi, sa femme Sabrina et lui n’ont finalement déboursé que 4000 dollars, dont 1600 pour la robe de mariée, sur les 34’000 dollars qu’a coûté au final leur mariage.
Si Tom et Sabrina furent les premiers à y penser, Corinthia, elle, s’est jurée qu’elle serait la première à financer entièrement son mariage par des sponsors. Et réaliser ainsi son rêve, épouser Faruq Robinson, 24 ans, le père de ses trois enfants de 5, 3 et 2 ans, rencontré il y a près de 10 ans.
«Il a suffi que je lui parle de l’émission pour qu’il me demande en mariage, raconte Corinthia, 22 ans, dans le salon modestement meublé de leur petite maison de la 13e rue, dans la banlieue noire de Philadelphie. Il savait que si j’avais une idée en tête, j’irais jusqu’au bout.»
«J’ai commencé par solliciter mes commerçants habituels. En premier, j’ai reçu des ballons pour la décoration, ensuite ma coiffeuse m’a proposé de me coiffer ainsi que toutes mes demoiselles d’honneur gratuitement.» En échange, Corinthia a promis de mentionner les partenaires sur les invitations, dans les cartes de remerciements, et aux journalistes intéressés au phénomène…
A force de patience – le démarchage a tout de même duré un an – Corinthia a réussi à convaincre 35 commerçants qui ont offert services et marchandises pour une valeur totale de 40’000 dollars.
Le chiffre peut faire hurler en Europe, mais aux Etats-Unis, un mariage moyen revient à 19’000 dollars. L’industrie de la noce génère près de 50 milliards de dollars, selon l’Association des professionnels du mariage.
«Nous n’avons finalement payé que les timbres pour les invitations», sourit Corinthia. Depuis, grâce aux articles de presse, elle est submergée d’appels de couples qui veulent faire pareil. «Mais la plupart n’ont pas la patience. En fait, ils voudraient que je fasse le boulot à leur place.»
Reste à savoir si, malgré quelques mariages similaires dans le reste du pays, les sponsors sont prêts à jouer le jeu longtemps. Marty Zatcoff – qui a offert 70 mètres de tissus à Corinthia pour sa robe de mariée et les tenues des demoiselles d’honneur – hésite: «Je l’ai fait parce que je me suis dit que ça générerait un peu de publicité, dans la presse et au mariage lui-même, mais je ne vais pas en faire une habitude.»
Murray Luterman – qui a prêté gracieusement huit smokings pour le marié et plusieurs de ses amis – est tout aussi dubitatif: «Je pensais que ça me ferait de la pub mais je n’en suis pas convaincu. Et si des clients sont venus après le mariage, ils ne me l’ont pas dit», explique-t-il.
Il est vrai que le retour pour les sponsors est discret. Pas de pancartes ou de banderoles géantes dans la salle du banquet. Juste des logos discrets sur les cartons d’invitation et sur les cartes de remerciements. Leurs cartes de visite étaient discrètement posées sur les tables à côté du menu. Corinthia et Faruq ont également fait imprimer un T-shirt souvenir avec le nom de tous leurs sponsors dans le dos qu’ils ont remis à chacun de leurs invités.
Le jeune couple a fait des émules. Et il n’est pas rare de trouver ici ou là dans les magazines féminins des «tuyaux» pour bien sponsoriser son mariage. Les critiques se font aussi entendre. Les puristes s’indignent que l’on puisse ainsi désacraliser une fête religieuse.
Corinthia s’en fiche. Sans ses sponsors elle n’aurait tout simplement jamais pu s’offrir une fête traditionnelle. Nathasha Allen, qui a fait de même à Cincinnati, a sa réponse : «Les gens feraient mieux de s’offusquer de la démesure et du prix exorbitant des mariages aujourd’hui.»
