LATITUDES

Changement d’époque: la fin du Tampax

Les femmes peuvent désormais choisir de vivre sans menstruations. Plusieurs études scientifiques observent comment cette contrainte biologique disparaît.

Les femmes ont désormais le choix de vivre avec ou sans menstruations. L’annonce formelle en a été faite lors du dernier congrès de l’Endocrine Society début juin à San Francisco.

«L’approche du professeur Nanette Santoro montre qu’une femme peut se libérer du calendrier lunaire», lit-on dans le rapport, intitulé «Reducing the Pill Free Interval».

On assiste ainsi à la suppression d’une contrainte biologique. L’être humain est parvenu à modifier en cinq décennies (la pilule contraceptive date du milieu du XXe siècle) ce que l’évolution avait mis des millénaires à transformer.

En quelques générations, le nombre des cycles d’une vie de femme a très nettement augmenté. Nos arrière grands-mères, qui donnaient naissance à beaucoup d’enfants et allaitaient longtemps, ne comptaient qu’une centaine de cycles dans leur vie. La femme moderne en compte 400 en moyenne. Des cycles qui ne sont d’ailleurs plus de même nature.

Les menstruations d’une femme sous contraceptif n’ont plus rien de naturel. Le fait d’ingérer des hormones pendant 21 jours, puis rien les sept jours suivants, provoque une baisse du niveau d’œstrogène qui va déclencher un flux sanguin sans rapport aucun avec une ovulation.

Pour ne plus avoir de règles, il suffit donc de prendre sans discontinuer une pilule contraceptive. Les plus récentes de ces pilules empêchent la croissance des parois de l’endomètre, et rendent de ce fait une telle pratique inoffensive – des travaux scientifiques l’ont prouvé.

Cette nouvelle offre émanant du corps médical ne correspond pas vraiment à une demande spontanée des principales intéressées. Quel écho rencontrera-t-elle?

Les auteurs de l’étude estiment qu’un certain nombre de femmes vont immédiatement se saisir de cette opportunité et oublier leur vie antérieure. D’autres éprouveront le besoin d’avoir des règles, faute de quoi, quelque chose ne serait pas correct dans leur vie. Entre ces deux catégories, certaines femmes expérimenteront la réduction de la période sans pilule.

Dans le cadre d’une précédente étude, les patientes pouvaient choisir la fréquence de leurs règles. En général, elles attendaient deux à trois cycles de 21 jours avant de souhaiter les voir arriver. C’est là une indication.

Si vous en aviez la possibilité, choisiriez-vous de ne plus avoir de règles? Différents sondages se sont déjà intéressés à la question. Il y a deux ans, le magazine alémanique Annabelle (numéro 16) annonçait pour 2003,l’arrivée sur le marché d’une «pilule anti-règles» permettant de réduire à quatre le nombre de menstruations annuelles. Seules 25% des femmes interrogées se disaient à l’époque intéressée par une telle pilule. Les autres redoutaient l’emprise croissante de la médecine sur leur corps et déploraient l’assimilation des règles à une maladie.

Le site américain Mum.org, véritable musée des menstruations, permet de saisir la diversité des réactions suscitées par la perspective d’une vie de femme vécue sans règles. Les hormones artificielles vont-elles parvenir à supprimer ce moment symbolique, mais souvent douloureux et gênant? Le débat est lancé.

Pragmatique, l’étude présentée à San Francisco s’intéresse également au coût de cette révolution féminine. L’usage accru des pilules ne sera pas compensé financièrement par la disparition des achats de bandes et de tampons hygiéniques.

Un coût supplémentaire qui pourrait cependant être contrebalancé par d’autres gains. En effet, une précédente étude avait déjà estimé que la perte de productivité et les congés maladie des femmes indisposées coûtent près de 8% des salaires payés par l’industrie américaine.

——-
Références:

The Lancet, vol 355, no 9207,2000.

«Is Menstruation Obsolete ?», Elsimar Coutinho et Sheldon Segal, Oxford University Press.

Nanette Santoro est professeur à l’Albert Einstein College of Medicine de New York.