Le magazine Voici a publié des images de top models artificiellement vieillies. En découvrant ces photos, Marco Kalmann a d’abord été choqué. Et puis, il a trouvé le procédé sympathique.
Aujourd’hui, j’ai feuilleté Voici. J’y ai découvert d’effroyables images d’Estelle Halliday, Elle Macpherson, Claudia Schiffer et Cindy Crawford transformées en grand-mères. Ces photos ne présentaient pas les vrais visages des tops, mais des portraits retouchés et vieillis à la palette graphique.

La magazine des gens célèbres a ainsi décidé de «donner un coup de vieux» aux créatures qui servent de modèles au monde. Comment ces images ont-elles été obtenues? «Nous avons demandé à l’artiste Michael Elins de créer ces portraits pour nous», m’a expliqué Martine Margot, la responsable photo de Voici, jointe au téléphone.
Un peu plus tard, une autre employée de Voici m’a dit que le magazine s’était contenté de racheter ces images déjà publiées par une revue américaine. Qui a raison? Peu importe. Dans l’univers des magazine people, la réalité n’a pas beaucoup d’importance.
Mes deux interlocutrices s’accordaient toutefois sur un point: Voici n’a pas demandé d’autorisation à Claudia, Estelle, Elle et Cindy avant de publier ces portraits peu flatteurs. «On ne demande jamais l’autorisation. Libre à elles d’attaquer.»
J’ai d’abord trouvé ce procédé saumâtre.Et puis, je me suis dit que c’était finalement un juste retour des choses.
Comme chacun sait, les photos de top models sont systématiquement retouchées. Les rides sont gommées, les lèvres repeintes, les traits adoucis, les pommettes teintées, les dents blanchies, la peau lissée, les cernes effacées.
Les images commerciales de Cindy, Claudia et consoeurs résultent d’une division tayloriste du travail: il y a bien sûr le capital naturel du mannequin, le talent des maquilleurs, coiffeurs, photographes et éclairagistes, mais aussi les compétences des retoucheurs professionnels.
Avec un Macintosh standard et quelques logiciels, ces retoucheurs peuvent transformer n’importe quelle bonne fille en icône cosmétique: on appelle cela la production industrielle de clichés.
Ce sont ces images retouchées qui servent de modèle absurde aux femmes qui veulent plaire. Le principe commercial est simple: la photo de mode doit s’éloigner au maximum de la réalité humaine. Ainsi, les consommatrices se ruineront en produit cosmétiques pour leur ressembler.
Que Voici transforme ensuite la Schiffer en aïeule fripée ou la Crawford en grand-mère liftée n’a dès lors pas beaucoup d’importance. Ces images manipulées ont le mérite de rappeler aux lectrices que nul n’échappe aux ravages du temps.
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Marco Kalmann, journaliste, vit à Genève. Il n’achète Voici qu’occasionnellement.
Photo extraite du numéro 605 de Voici. © Voici
