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La renaissance de Big Brother

Deux organisations de défense des droits de l’Homme accusent le Royaume-Uni de figurer «parmi les pires» pays du monde développé en matière de protection de la sphère privée, jugée «affaiblie au niveau le plus basique qui soit».

L’enquête publiée en septembre par Privacy International et Privacy Information Center dénonce une«érosion» générale des libertés individuelles en Grande-Bretagne, pays qui collabore étroitement au système de surveillance global Echelon mis en place par les Etats-Unis.

Vidéosurveillance croissante, espionnage électronique et des télécommunications… Les yeux et les oreilles des autorités britanniques sont omniprésents. Ceci grâce à une législation qui permet aux douanes, à la police, au fisc ou encore aux services de renseignement, d’épier les communications de leurs concitoyens sans mandat judiciaire.

«Le rythme de la croissance de la vidéosurveillance, du contrôle des communications et de la collecte de données a surpassé celui de pays comme Singapour ou Israël», s’alarme Simon Davies, directeur de Privacy International. Un réseau de quelque 1,5 millions de caméras quadrillent déjà l’espace public en Grande-Bretagne, et chaque année, entre 250 et 400 millions de livres sont dépensés pour le développer.

Le rapport, qui passe au crible 50 pays, relève la même tendance vers une surveillance accrue et un affaiblissement des protections légales de la vie privée dans plusieurs autres Etats qui, à l’instar de la Grande-Bretagne, ont adopté des lois afin de lutter contre le terrorisme après le 11 septembre: Australie, Autriche, Canada, Danemark, Etats-Unis, France, Allemagne, Inde, Singapour, Suède.

«Cette tendance n’est pas nécessairement nouvelle, reconnaissent les auteurs. Ce qui est nouveau, c’est la vitesse à laquelle ces politiques ont été acceptées, et dans de nombreux cas, sont devenues des lois.» Là encore, l’enquête épingle la Grande-Bretagne pour son rôle «moteur», notamment au sein de l’Union européenne.

La Suisse, qui figure parmi les pays étudiés, s’en sort plutôt bien. Le rapport note que depuis l’affaire des fiches, la Confédération s’est dotée de lois adéquates en matière de protection de la vie privée.

«Nous sommes dans la moyenne européenne, nuance Kosmas Tsiraktsopoulos, porte-parole du préposé fédéral à la protection des données. Mais il est vrai que par rapport à d’autres pays, l’affaire des fiches nous a en quelque sorte préparés, dans le sens où nous disposons d’une base légale et d’un cadre de contrôle en la matière depuis 1992.»

Ce cadre clair a permis à la Suisse de ne pas réagir d’une façon précipitée. Aucune mesure légale particulière n’a été prise en conséquence directe des événements du 11 septembre. Et au contraire de la Grande-Bretagne, les interceptions de communications téléphoniques ou électroniques ne peuvent se faire que sur mandat judiciaire.

Toutefois, selon Kosmas Tsiraktsopoulos, il s’agit de rester vigilant, car dans le climat actuel, la tendance des politiciens européens est d’accepter des mesures restrictives, et la Suisse sera immanquablement soumise à une certaine pression internationale.
Celle-ci pourrait aussi provenir des Etats-Unis, qui souhaitent par exemple que d’autres pays suivent leurs recommandations et stockent des données biométriques sur les passeports de leurs ressortissants.

Or, Ruth Metzler l’a confirmé, cela serait techniquement possible sur les nouveaux passeports suisses. Mais pour l’instant, il n’existe aucune base légale qui l’autoriserait.

«Si des moyens supplémentaires sont nécessaires pour combattre le terrorisme, nous ne sommes pas forcément opposés à la collecte de ces informations, mais cela doit se passer dans le cadre du processus démocratique, au terme de consultations parlementaires, et les moyens alloués au contrôle de la protection de ces données et les compétences du préposé doivent aussi être accrus», conclut Kosmas Tsiraktsopoulos. Ces recommandations ont d’ailleurs été formulées par le préposé fédéral dans le cadre du projet de révision de la loi de 1992 actuellement en cours.

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Sources :
«Privacy and Human Rights 2002», publié par Privacy International (Londres) et Privacy Information Center (Washington), septembre 2002.

Rapport 2001/2002 du Préposé fédéral à la protection des données, Berne, juillet 2002.