On connaissait le trafic illégal de musique sur le net, rendu populaire grâce à Napster et au format de compression MP3. Mais depuis quelques mois, c’est le piratage de vidéos qui connaît la plus forte croissance auprès des internautes. Grâce à l’augmentation des capacités des lignes (câble, ADSL), il est devenu facile pour un usager de base de télécharger des longs métrages en version numérique. Et bon marché, puisque les connexions permanentes sont facturées de manière forfaitaire. Il suffit de lancer le téléchargement le soir et de récupérer les données le lendemain.
Le phénomène préoccupe les studios, car chaque film piraté représente une valeur encore bien plus importante qu’un morceau de musique. «Nous sommes très inquiets du développement de cette pratique, en particulier en Suisse où l’équipement informatique et les compétences techniques sont très avancés», explique Jan Scharringhausen, juriste de l’Association suisse pour la lutte contre la piraterie (SAFE), une agence privée financée par l’industrie hollywoodienne. Explication du phénomène.
Où?
Les plates-formes d’échange (peer-to-peer) traditionnelles, héritières du mythique Napster, se déclinent toutes en vidéo. Parmi elles, Kazaa et iMesh proposent un choix important de films, notamment à cause de la quantité de membres connectés. Par ailleurs, ces plates-formes permettent de cumuler les sources pour le téléchargement d’un même fichier, ce qui accélère d’autant le processus. Elles sont plus faciles d’usage que edonkey, pourtant très populaire, notamment pour sa version française.
Toutes les bourses d’échange nécessitent l’installation de logiciels spécialisés qui permettent de télécharger les fichiers hébergés sur les machines des autres membres de la communauté. Aucun de ces logiciels ne fonctionne sur Mac.
Quels risques?
Bien sûr, le téléchargement de séquences vidéo protégées par un copyright est illégal. «Les peines peuvent atteindre plusieurs milliers de francs, confirme Jan Scharringhausen. Mais les usagers de systèmes peer-to-peer restent très difficiles à localiser, et aucun n’a encore été attrapé ou amendé en Suisse. Cela dit, nous essayons de traiter le problème à la source, notamment en nous attaquant aux pirates qui se munissent de caméras numériques dans les salles de cinéma, afin d’enregistrer, puis de transmettre la version ainsi volée en DivX sur le net.»
Quels films?
Comme pour le développement du CD-Rom ou de la cassette VHS, c’est la pornographie qui a initié le succès des systèmes de compression d’images animées. Les internautes s’échangent aujourd’hui des milliers d’extraits choisis de films X, voire de longs métrages entiers, par l’intermédiaire de ces communautés. Les clips musicaux ont suivi la tendance, et il est désormais très facile de télécharger la dernière vidéo de Madonna. On trouve aussi de plus en plus facilement des longs métrages à télécharger gratuitement. La plupart des grands succès américains de ces dernières années (Matrix, Austin Powers), tout comme les séries (The Sopranos, Ally McBeal, Sex And the City) ou les vieux James Bond apparaissent en version originale. Les films en français sont moins fréquents.
Ces longs métrages sont généralement codés dans un format de compression appelé DivX. Dans ce format – une variante de l’algorithme MPEG utilisé pour la télévision numérique –, un long métrage d’environ deux heures peut tenir dans un fichier d’une taille d’environ 600 méga-octets. Outre une ligne performante, le trafic de films nécessite donc une bonne capacité de stockage.
Comment visionner?
Les films codés en MPEG ou en DivX peuvent se visionner au moyen de nombreux logiciels gratuits, dont le Windows Media Player de Microsoft. Mais pour un plus grand confort, on peut aussi les regarder sur sa télévision, au moyen d’un simple lecteur de DVD classique. Pour cela, il faut préalablement les convertir dans un format appelé Vidéo CD ou VCD. Il s’agit en fait d’un CD-Rom contenant des fichiers vidéo. A partir du fichier téléchargé, un logiciel (TMPGEnc ou Nero) convertit les données avant de les graver sur le CD-Rom.
Cette conversion est cependant très longue et nécessite un ordinateur puissant. Chaque CD-Rom contient environ une heure de vidéo et un long métrage nécessitera donc deux disques. La qualité de l’image et du son n’est évidemment pas aussi bonne qu’un DVD, mais comparable à une cassette VHS. Pour éviter cette laborieuse conversion, les malins choisiront de brancher directement leur PC sur leur téléviseur au moyen d’un convertisseur de scan, un petit boîtier qui coûte une centaine de francs.
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Une version de cet article de Largeur.com a été publiée le 10 novembre 2002 dans l’hebdomadaire Dimanche.ch.