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La Chine derrière son maquillage

Et hop! Comme par un simple coup de baguette magique, les 2114 délégués au XVIe Congrès du Parti communiste chinois ont, en levant unanimement la main, expédié le quart de l’humanité dans un national-communisme d’autant plus triomphant que pour la première fois depuis la prise du pouvoir en 1949, le changement s’est opéré sans douleurs.

Ce Monsieur Jiang, celui qui s’est fait hué à Berne, est décidément un homme habile. Jeudi, à la fin du congrès, il a obtenu son dernier grand succès avec l’admission des entrepreneurs et capitalistes dans les rangs du parti communiste en application de sa théorie de la Triple Représentativité.

La Triple Représentativité? Pour s’en faire un idée, rien ne vaut l’original. Voici comment le camarade Jiang expliquait la chose, fin mai dernier, aux cadres du PCC:

Vous avez compris? Moi non plus. Mais ce n’est pas grave car les faits sont plus instructifs que la théorie. Ce que l’ont sait depuis 1989 (révolte étudiante réprimée dans le sang à Tien An Men), c’est que la Chine est:

-Un Etat soumis à la dictature d’une oligarchie qui se maintient au pouvoir par la force, la corruption, la cooptation de ses membres, voire par hérédité.

-Un Etat où l’armée et la police sont les bras armés et dociles, du pouvoir.

-Un Etat dépourvu des libertés essentielles telles que les libertés de pensée, d’expression ou de croyance.

-Un Etat qui opprime ses minorités nationales tout en ayant des visées hégémoniques sur les minorités chinoises externes.

-Un Etat enfin qui a compris et intégré la maxime «business is business» et qui l’applique dans ses relations avec le reste du monde pour le plus grand bonheur des investisseurs et de l’OMC.

Ces quelques points, qui ne prétendent pas à l’exhaustivité, permettent de voir que la révolution est désormais très loin et que le pays s’est installé dans une normalité qui peut durer si le régime parvient à circonvenir les inévitables jacqueries que va susciter l’expulsion de dizaines de millions de paysans des campagnes profondes.

Cet avènement paisible du national-communisme chinois normalisé pose le cadre des rapports de force mondiaux pour les prochaines décennies: ce sera celui d’un face à face entre le pôle chinois et le pôle occidental. Entre deux, il n’y a pas d’autres forces émergentes.

Il y a une cinquantaine d’années, Tibor Mende, un politologue aujourd’hui complètement oublié, fascinait ses lecteurs en faisant miroiter l’avenir prometteur de sous-continents alors en ébullition comme la Chine, l’Inde et le Brésil.

Le Brésil et l’Inde sont toujours très prometteurs, mais les résultats se font attendre. La Chine, elle, déploie sa puissance et attire capitaux et investisseurs. Elle refuse certes de se plier à l’idéologie démocratique occidentale, mais personne ne lui en tient vraiment rigueur dans la mesure où elle respecte les échéances de ses traites.

En introduisant manu militari le marxisme en Chine, Mao Tsé-toung voulait l’occidentaliser à marches forcées. Cela a fonctionné jusqu’à un certain point: ce n’est pas l’idéologie qui s’est occidentalisée, c’est la loi du marché qui aujourd’hui américanise à grande vitesse une civilisation multimillénaire!