Depuis deux semaines, les images solaires de la campagne de l’opérateur britannique sont affichées dans toute la Suisse. Un look new-age qui annonce l’arrivée sur le marché le 29 juin d’un nouveau concurrent pour Diax et Swisscom.
On dirait une secte dans un désert post-apocalyptique. Une fille assise en position du lotus entre en contact avec une force supérieure. Deux jeunes gens communiquent doigts contre doigts. Une femme aux cheveux blancs accueille un nouvel adepte. Le slogan semble sorti d’un manuel de technologie utopiste: «The future is bright, the future is Orange». «Le futur est brillant, le futur est Orange».

Depuis quinze jours, ces images solaires sont affichées dans toute la Suisse et passent en «heavy rotation» à la télévision. Impossible d’y échapper. L’annonceur, l’opérateur britannique Orange, dispose d’un budget phénoménal (30 millions de francs suisses, 120 millions de francs français) pour annoncer son arrivée cette année sur le marché national de la téléphonie mobile, déjà occupé par Swisscom et Diax.
Les textes des affiches n’ont rien à envier au discours lénifiant des futuristes new-age: «Dans le futur, nous nous parlerons davantage», «nous nous comprendrons mieux», «nous voyagerons plus». C’est tout? «Jusqu’au lancement de notre réseau le 29 juin, nous ne communiquons que sur l’image, explique Thérèse Wenger, porte-parole d’Orange. Ensuite, nous couplerons cette campagne avec la promotion de nos produits.»

C’est l’agence Euro RSCG à Zurich qui a réalisé les affiches et le spot télévisé d’Orange. Elle a reçu comme mission de suivre la ligne graphique utilisée par l’opérateur mobile dans les autres pays où il est actif (Grande-Bretagne, Belgique, Hong Kong, Israël et Australie) et de l’adapter au marché suisse. «Nous avons d’abord testé le matériel que l’opérateur avait utilisé pour son lancement en Grande-Bretagne, mais il était inadéquat, explique Dennis Flad, responsable stratégique de la publicité d’Orange auprès d’Euro RSCG. Cette campagne a donc été réalisée spécifiquement pour la Suisse.»
Difficile pourtant de faire plus lointain du paysage montagnard helvétique avec ces photos prises dans des déserts américains. «Le client ne s’identifie pas à un paysage mais à une vision, se défend le publicitaire. Dans l’inconscient, la technologie est associée à des machines complexes et hostiles. Les images désertiques dégagent au contraire une impression de calme, tandis que les gestes des personnages symbolisent le contact facile, l’amitié. Ce sont les nouveaux Suisses comme nous les imaginons.»
Les membres d’une secte? «Notre campagne a une très forte dimension émotionnelle, explique Dennis Flad. C’est ce qui démarque Orange des autres opérateurs. Comme toutes les grandes marques internationales qui ont réussi, nous fédérons nos clients autour d’un mode de vie: les conducteurs de Porsche, ceux qui mettent des jeans Levi’s ou des habits Diesel se sentent différents. Ils font partie d’un groupe identitaire, c’est ce qui différencie une marque d’un produit. Swisscom et Diax restent des produits. Orange est une marque.»

Pour l’opérateur britannique, il existe ainsi une pensée Orange, un mode de vie Orange, un look Orange, comme il existe une personnalité ou un style Apple dans le monde informatique. A croire d’ailleurs que les noms de fruit de ces deux marques ne sont pas leurs seuls points communs. «Nous aurions pu sans problème reprendre le «Think different» d’Apple, concède Jamie Macdonald, responsable du marketing pour la Suisse. Ce serait d’ailleurs tout à fait adéquat pour le marché suisse.»
En Grande-Bretagne, le concept para-religieux d’Orange a porté ses fruits. Arrivé après tous les autres en 1994, l’opérateur compte aujourd’hui 2,7 millions de clients – ce qui le place en troisième position – auxquels s’ajoutent 140’000 nouveaux chaque mois, la plus forte croissance du secteur.
En Suisse, Orange ambitionne de faire aussi bien. Son réseau fonctionnera cependant uniquement sur la bande de fréquence 1800 MHz, contrairement à ceux de Diax et Swisscom qui exploitent aussi le plus traditionnel GSM-900. Cela constituera le principal handicap du nouveau venu dans un premier temps, car l’usager devra posséder un appareil dual-band pour s’abonner chez Orange. La majorité des portables en service en Suisse ne fonctionnent pas encore sur cette bande de fréquence.
L’opérateur britannique a longtemps hésité avant de conserver l’anglais dans son slogan. «Finalement, on s’est rendu compte qu’il n’y avait pas de röstigraben, sourit Dennis Flad. Lors des tests que nous avons effectués auprès du public, on s’est aperçu que les Alémaniques comme les Romands ne comprenaient souvent pas la signification du mot «bright», mais ils l’identifiaient comme quelque chose de positif. On l’a donc gardé en version originale.»
