Robert Palm n’a pas rencontré sa femme sur internet. «Mais j’aurais sans doute utilisé Swissfriends si un tel service existait à l’époque.» C’est en constatant la difficulté qu’avaient ses amis à trouver l’âme sœur que cet entrepreneur, père de deux enfants, décide de monter un site de rencontres suisse romand, en 1999. «Les Canadiens étaient les plus avancés dans ce secteur, et je me suis inspiré de leurs exemples.»
Swissfriends s’est développé progressivement. Au début, le site ne couvre que Genève, puis Lausanne, avant de s’attaquer à l’ensemble de la Suisse romande. Depuis quelques mois, il s’adresse à l’ensemble du pays en trois langues: français, allemand, anglais. La zone italienne sera ouverte avant l’été. Robert Palm préfère rester discret: ses e-mails sont filtrés et ni son téléphone ni celui de sa société ne sont mentionnés sur le site.
Mais pourquoi tant de discrétion?
La communauté compte aujourd’hui 32’300 membres actifs. Depuis la création du site, 60’000 internautes se sont inscrits. Sur le nombre, il y a forcément quelques allumés qui pensent que je suis responsable de tout ce qui se passe. Par exemple, ils veulent m’appeler quand quelqu’un ne répond pas à leurs messages.
En Europe centrale, la population des internautes reste en majorité masculine. N’est-ce pas un problème pour un site de rencontres?
La situation s’améliore heureusement, car, au début, il n’y avait que les fans d’informatique, donc des hommes, qui se branchaient sur le net. Notre objectif a toujours été d’équilibrer au maximum la communauté. Pour cela, nous avons ciblé notre promotion dans des supports féminins. Par ailleurs, nous maintenons un contrôle de qualité très élevé en filtrant les annonces inappropriées afin de demeurer un site sérieux. C’est simple: s’il y a des messages à caractère pornographique, la clientèle féminine ne vient plus. Grâce à cette politique stricte, Swissfriends compte 42% de femmes, un excellent taux.
Quel est le comportement type de l’usager?
La durée moyenne d’une inscription est de trois à six mois. Après cette période, soit l’internaute a trouvé quelqu’un, soit il se décourage. Une minorité d’habitués, qui apprécient l’ambiance amicale, renouvelle son inscription chaque année. Comme son nom l’indique, Swissfriends est aussi un site pour trouver de nouveaux amis, même si l’essentiel de nos membres vient y chercher un partenaire.
Y parviennent-ils?
Depuis le lancement, nous avons reçu des dizaines de faire-part de mariage, et même des invitations (que nous déclinons)… On constate au passage que les couples qui se sont connus online l’assument de plus en plus. Il y a trois ans, ils ne s’en vantaient pas. Aujourd’hui, ils se sont débloqués, aussi parce que c’est devenu beaucoup plus courant.
Le site se segmente selon les cantons: impossible d’effectuer une recherche nationale, n’est-ce pas limitatif?
On peut le regretter, mais les Suisses n’aiment pas se déplacer. Il est plus agréable d’organiser une rencontre proche de chez soi. Ceux qui habitent sur une frontière cantonale peuvent toujours choisir deux pseudonymes, un pour chaque canton.
Est-ce que le site est rentable?
L’entreprise devrait atteindre le seuil de rentabilité cette année, mais on est encore loin des gros bénéfices. Sur quatre ans, Swissfriends m’a coûté 2 millions de francs, une moitié en développement informatique, l’autre en personnel et promotion. Je vis d’autres activités, notamment de mon agence de pub et des investissements dans des sociétés informatiques. Mais je consacre l’essentiel de mon temps à mon «bébé», Swissfriends.
D’où viennent les revenus?
Le site est devenu payant, il y a un an. Après un mois d’essai gratuit, l’internaute peut choisir entre plusieurs formules d’abonnement: de 10 jours, pour 9 francs, à un an, pour 105 francs. Nous avons aussi lancé un service téléphonique qui permet au membre d’enregistrer un message vocal avec son annonce pour environ 5 francs. Chaque mois, nous comptons 1200 à 1500 nouveaux membres, dont la moitié décide de payer selon une des formules proposées après un mois. J’espère générer 250’000 francs cette année. En Suisse romande, j’estime que le potentiel se limite à environ 40’000 membres, et on approche donc de la saturation.
La notoriété est bonne, d’autant plus depuis le partenariat avec l’émission TSR-Rencontres.ch. En échange de promotion, nous avons mis à disposition de la TSR notre outil pour trouver une sélection de candidats. Pour la suite, le développement se fera surtout en Suisse alémanique, où nous sommes encore faibles. Une campagne de pub, affichage et radio, vient de commencer à Zurich.
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Une version de cet article de Largeur.com a été publiée le 9 février 2003 dans l’hebdomadaire Dimanche.ch.