CULTURE

Les Glamericans, une autre manière de manifester

Grâce à leur gestion de l’image, on ne peut plus confiner le mouvement anti-guerre aux Etats-Unis à une poignée d’irréductibles gauchistes. Entretien stylé.

C’est presque par hasard que j’ai découvert l’existence des Glamericans (Glamorous Americans For Peace) en cherchant des infos sur les associations appelant à la résistance contre la guerre. Leur message était tellement frais et novateur que j’ai décidé non seulement de les contacter mais de participer à la grande manifestation anti-guerre de New York ce week-end en leur compagnie.

Première surprise: le lieu du rendez-vous. Bernhard Blythe, 37 ans, l’un des fondateurs, me suggère de le retrouver jeudi soir au Marquee — un petit club attenant au très coté restaurant Marion’s sur le Bowery dans l’East Village — pour la GlamBush Party. L’invitation était suffisamment glamour pour attiser ma curiosité. Et je dois reconnaître que j’ai été à la fois amusée et convaincue par le message des Glamorous.

«Pour moi tout a commencé le 26 octobre lors de la première manifestation à Washington», m’explique Erik Mercer, 34 ans, cofondateur du mouvement. «Il n’y avait quasi rien dans les médias le lendemain, mes amis et moi étions choqués.» De discussions improvisées en meetings plus sérieux, l’idée est née de mettre sur pied des interventions flashy et amusantes susceptibles d’attirer les médias.

«C’est la réaction de mon neveu de 21 ans qui m’a mis la puce à l’oreille, il me disait, je suis contre la guerre mais je n’ai pas envie de m’associer aux babas cool qu’on voit défiler habituellement», renchérit Bernhard.

Le premier événement pour les Glamericans fut leur participation à la deuxième manifestation contre une intervention en Irak, le 18 janvier à Washington. Leurs déguisements flamboyants et surtout leurs messages iconoclastes en font les chouchous des photographes à la recherche d’images «sexy».

Ce succès et un website plus tard, ils décident de réitérer l’expérience pour le rassemblement new-yorkais. Rendez-vous est donné samedi matin à 9 heures — une heure très inhabituelle pour cette foule de clubbers — chez Florent, haut lieu de la vie nocture dans le Meat Market où se croisent nuit après nuit les drag-queens du quartier et les travailleurs de l’industrie de la viande.

Après un déjeuner copieux, ils troquent leurs doudounes pour les fausses fourrures et disparaissent sour une avalanche de plumes, de paillettes, de frous-frous, de boas et de paillettes. On met encore une dernière main aux banderoles faites maison: «Fausses fourrures pour une vraie paix», «Les pacifistes sont de meilleurs amants», «La paix n’est pas un mouvement marginal».

Le cortège se met en marche. La surprise sera de taille au point de ralliement devant la Bibliothèque publique sur la 5e Avenue. Ils sont des dizaines de milliers à battre le pavé avant de pouvoir enfin rejoindre la 1ère avenue où a été autorisée la manifestation. La foule est telle que les Glamericans sont noyés à leur tour dans le flot. Objectif atteint. La manifestation est bigarrée, joyeuse, patiente. Les calicots faits main attestent de la diversité des participants.

Il ne sera plus possible après un tel rassemblement de continuer à vouloir confiner le mouvement anti-guerre aux Etats-Unis à une poignée d’irréductibles gauchistes. La volonté de la police de canaliser les manifestants en érigeant des barrières pour les contraindre à de grands détours pour rejoindre la 1ère avenue sera au final contreproductive. La foule finira par paralyser le trafic sur quatre avenues. Joli coup et non prémédité.

«Il y a quelques années, on disait que la manif était un moyen d’expression terminé, qu’il fallait considérer d’autres formes d’action politique. Et là, je me rends compte qu’on n’a jamais ratissé aussi large. Les églises se sont organisées, les syndicats se sont mobilisés», commente Ted Lewis, de Global Exchange, l’une des associations affiliée à United for Peace, l’organisateur la manifestation. «On se retrouve avec énormément de gens qui n’ont pas du tout l’habitude de manifester», poursuit-il.

Peter Maldin, 28 ans, employé de l’organisme chargé de reconstruire le Wold Trade Center peut en attester. «Je n’ai jamais manifesté avant parce que je trouvais tous ces gens trop sérieux et pourtant, je soutiens leur cause. Mais j’ai trouvé l’idée des Glams brillante, on peut être contre la guerre et le dire différemment, leur action ajoute un nouveau visage au mouvement».