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Du téléphone mobile aux foules intelligentes (et dangereuses)

Les individus peuvent désormais agir ensemble même s’ils ne se connaissent pas. C’est le phénomène des «smart mobs». Explications du chercheur Howard Rheingold.

Le téléphone mobile pourrait bouleverser les relations humaines, les villes, la société tout entière de façon plus profonde encore que le PC ou l’internet. C’est ce qu’affirme avec une pléthore d’arguments le chercheur Howard Rheingold, l’homme qui a popularisé les communautés virtuelles. Il a même trouvé un nom pour ce nouveau phénomène: «smart mobs», foules intelligentes, mais aussi dangereuses (le mot «mob» a un double sens en anglais, foule et crime organisé).

La définition qu’il en donne dans son dernier ouvrage est simple: «Les smart mobs sont faites de gens capables d’agir ensemble même s’ils ne se connaissent pas.» Elles émergent quand ils utilisent des appareils portables, capables à la fois de communiquer et de traiter de l’information.

«Quand on joint deux technologies, on voit souvent apparaître des propriétés nouvelles, parce que les gens s’en servent pour faire des choses pour lesquelles elles n’étaient pas prévues», m’explique Rheingold dans sa maison de Mill Valley au nord de San Francisco.

Le mariage de l’ordinateur et du téléphone a donné l’internet et la communication horizontale entre usagers. Mais «la téléphonie mobile et le haut débit (broadband) sont potentiellement plus perturbateurs car ils introduisent plus de changements radicaux que le PC et le net.»

Dans sa quête des innovations sociales aussi bien que technologiques, l’auteur a sillonné la planète, depuis les rues de Shibuya, un quartier de Tokyo où l’on trouve la plus grande concentration de portables au mètre carré (80% des passants), jusqu’à la Finlande, en passant par nombre de laboratoires de recherche.

L’un des exemple de «smart mob» cité par Rheingold concerne les Philippines, où près d’un million de citoyens informés par SMS se sont réunis dans la rue pour des gigantesques manifestations qui ont finalement fait tomber le président Estrada.

Selon Rheingold, les composantes technologiques du bouleversement en cours sont au nombre de cinq: la téléphonie mobile, le PC, les connexions à haut débit, les réseaux «peer-to-peer» comme Napster (dont le succès a montré la volonté des gens de coopérer à des tâches communes) et la capacité pour les appareils de savoir où ils se trouvent (location awareness). «On pourra bientôt, estime Rheingold, pointer un appareil vers une plaque de rue et demander où se trouve le restaurant chinois le plus proche, et ce qu’en pensent les amis en qui nous faisons confiance.»

Mais «le thème central du livre, c’est l’action collective», précise l’auteur. Une des clés est offerte par les «systèmes de réputation», qu’il voit comme «le point de convergence de la technologie et de la coopération.» Un tel système permettant aux acheteurs d’envoyer leurs chèques à des inconnus avant d’avoir reçu le produit convoité est au cœur du succès de eBay.

Des comportements nouveaux apparaissent. Le seuil à partir duquel l’action collective est possible est baissé grâce à l’échange permanent d’informations. Il en résulte une capacité accrue d’auto organisation, qui donne lieu à l’émergence de «foules intelligentes».

Le phénomène est mondial. «Au Botswana, une personne sur huit a un téléphone portable. Dans dix ans, les appareils électroniques seront 1000 fois plus puissants qu’aujourd’hui», explique Rheingold. «Les PC se sont imposés quand leur prix est arrivé au niveau d’un salaire mensuel. Le salaire moyen dans le monde est de 40 dollars par mois. Les PC de poche vaudront 40 dollars en 2007.»

Rheingold se garde cependant de tomber dans ce qu’il appelle le «techno sublime», et souligne trois dangers potentiels: les atteintes aux libertés et à la confidentialité des données, l’apparition de réseaux criminels, et finalement, les atteintes à la dignité: «La question est de savoir si nous avons suffisamment de sagesse pour utiliser nos outils de puissance sans amputer quelque chose de vital.»

La question centrale est donc le contrôle de ces outils de coopération. Les pouvoirs établis ont tendance à vouloir freiner leur croissance et l’innovation (comme l’a montré l’affaire Napster). Mais, nous rappelle Rheingold, «aussi bien les foules que les élites nous ont déjà prouvé qu’elles pouvaient être dangereuses.»

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Le site de Howard Rheingold