D’un côté, il y a les militants anti-G8 qui recommandent des chaussures de course. Et de l’autre, le supermodel Heidi Klum qui vante les mérites des sandales Birkenstock. Monde à l’envers?
A la veille des manifestations anti-G8, il est un point sur lequel militants violents et non violents tombent facilement d’accord: la manière de se chausser le jour J.
«Porte des fringues sombres, un blouson, une écharpe-cagoule, une capuche et des chaussures qui te permettent de courir». C’est la consigne découverte parmi les «Conseils pour les manifs» du site de futurs casseurs Veganarkist.
«Portez des chaussures permettant de courir, si nécessaire les modèles tenant bien la cheville sont recommandés», indique également le «Petit guide juridique du manifestant» dans sa «check-list avant la manifestation».
Alors, que chausser? Des Nike fabriquées par de petites mains asiatiques? Des Reebok, des Adidas, des Converses ou des Camper pas toujours éthiquement correctes non plus?
Finie l’époque qui voyait défiler toute la collection Birkenstock aux pieds des contestataires. La fameuse sandale plate est devenue, si l’on en croit la page newsmode du magazine Elle, «incontournable chez les fashion victims». Sur le site féminin Newsfam, on admet que «ce n’est pas d’une finesse folle, mais c’est hype (méga hype même) et facile à porter. En cuir vieilli et brides tressées par Zucca, la paire revient à 320 euros.»
Hier encore, se montrer en public chaussé semelle-de-liège et lanières-de-cuir était ressenti comme une forme de provocation, l’expression d’une contestation, une manière de prôner un retour à la nature, un refus de la société de consommation. Une société qui parvient à tout récupérer à des fins mercantiles. Même, qui l’eut cru, ce compromis entre le sabot Scholl de l’infirmière et la sandalette monastique du touriste hollandais qu’est une paire de Birkenstock!
Plus ancienne que la Révolution française — elle date de 1774 –, cette marque allemande porte le nom de famille de ses créateurs. Il suffit d’ouvrir les yeux pour s’en convaincre, la vocation première de ses produits n’était pas la beauté mais la santé. Selon un professeur berlinois de l’Institut des sciences culturelles, spécialiste es sandales (oui, ça existe!), la sandale orthopédique en question aurait contribué à la «suppression puritaine des sexes».
Les toute récentes créations en strass de la top modèle Heidi Klum ne sauraient être accusées de pareil dessein. La belle Rhénane a été transformée par les soins de Birkenstock en designer et ambassadrice de charme. Elle confie avoir eu l’inspiration de son prototype lors d’un vol entre New York et Los Angeles.
Délaissée par des jeunes confrontés aux forces de l’ordre, la «sandale de Jésus» joue la carte glamour. Comme la concurrence, elle ne saurait négliger la dimension «éthique».
Ainsi, pour fêter les trente ans de son modèle Arizona, Birkenstock vient de faire appel à quelques célébrités (Chris Isaak, Cindy Crawford, Robin Williams et d’autres) qui ont mis leur griffe sur la sandale. Dès le 27 mai, leurs œuvres seront en vente au profit d’une fondation vouée à la lutte contre le sida chez les enfants.
Et comme si cela ne suffisait pas, Birkenstock a confié au créateur lausannois Yves Béhar, jeune star internationale du design, le développement d’une nouvelle ligne de sandales futuristes estampillées Fuseproject.
La mode Birkenstock et tongs survivra-t-elle à l’été 2003? Portée avec une maille irlandaise, notre sandale s’apprête à passer automne et hiver. Le couturier Jean Paul Gaultier en fait un accessoire indispensable de sa prochaine collection.
