Urs Schmidig, patron de Bluewin, répond aux attaques de la Commission de la communication et des opérateurs privés.
Huit cent mille clients, 120 millions de pages affichées chaque mois: la plate-forme Bluewin n’a cessé de consolider sa position de leader de l’internet made in Switzerland, depuis sa création il y a plus de six ans. A tel point que sa part de marché de 48% inquiète aujourd’hui la Commission fédérale de la communication (ComCom). «La domination de Bluewin sur les raccordements analogiques s’est transférée sur les accès ADSL, car ils font migrer les clients d’une formule à une autre, regrette Fulvio Caccia, président de la ComCom. Du coup, Bluewin va encore consolider sa position dans ce nouveau créneau, en attendant la libéralisation du dernier kilomètre qui mettra encore des mois à arriver. Par ailleurs, le monopole de Swisscom sur les liaisons vers les particuliers contraint tous les fournisseurs à lui acheter le trafic ADSL. Ceci empêche toute innovation de la part des opérateurs privés: Swisscom décide de tout, de la technologie, du débit et des prix.»
De plus, les fournisseurs privés accusent Bluewin de profiter de conditions préférentielles de la part de Swisscom (lire notre édition du 4 mai), notamment en offrant les prix d’installation des liaisons ADSL (149 fr.) aux nouveaux abonnés. Les réponses de Urs Schmidig, directeur général de Bluewin.
Profitez-vous, comme le sous-entendent vos concurrents, de tarifs amicaux de la part de Swisscom?
La division Swisscom Wholesale nous vend à des conditions tarifaires similaires qu’aux autres fournisseurs d’accès: vous pouvez venir voir nos factures. Nous sommes particulièrement prudents, car c’est un sujet sensible.
Mais ce que récupère la division Wholesale reste chez Swisscom: ne s’agit-il pas d’un transfert d’une poche à une autre?
Les divisions de Swisscom sont gérées indépendamment, je n’ai rien d’autre à dire. Ces critiques me rappellent les petits épiciers qui s’énervent contre la concurrence de Coop ou Migros. Le marché des accès à large bande n’est pas sous l’emprise d’un monopole: les clients peuvent choisir entre le câble TV ou l’ADSL, et parmi une multitude de fournisseurs. Et les prix d’entrée de gamme en Suisse ne sont pas plus élevés qu’ailleurs en Europe.
Quels sont les champs d’activité les plus rentables pour Bluewin?
Nous réalisons plus de 90% de notre chiffre d’affaires dans les accès à l’internet. La vente de publicité sur le portal, les services et le commerce électronique restent donc des revenus marginaux. Cette année, plus de 30% de nos revenus viendront des accès ADSL. C’est le marché à la plus forte croissance et le plus prometteur pour nous. Tous fournisseurs confondus, l’ADSL a désormais dépassé le câble en Suisse. Et nous sommes en pole position: nous comptons aujourd’hui plus de 150 000 clients ADSL, soit environ 60% du marché. Swisscom, notre société mère, est très satisfaite de notre progression dans ce secteur.
Bluewin est-elle une entreprise rentable? Quand atteindra-t-elle l’équilibre?
Il nous a fallu trois ou quatre ans pour équilibrer les investissements réalisés pour les accès analogiques, et il faudra un peu moins de temps en ce qui concerne l’ADSL. Je pense que nous devrions atteindre l’équilibre global d’ici à 2006 ou 2007.
Continuerez-vous à proposer du contenu sur votre site, y compris pornographique, même si cette activité ne rapporte pas beaucoup?
Chaque division ( services, portail et accès) doit atteindre l’équilibre. Nous avons été victimes de la bulle internet, comme les autres, et nous pensions pouvoir réaliser beaucoup plus de revenus avec la publicité. A la grande époque, notre rédaction comptait jusqu’à 50 personnes. Nous l’avons ramenée à 30 personnes, qui s’occupent d’animer la communauté et de formater du contenu (articles, vidéos, etc.) acheté ailleurs. S’il faut encore redimensionner, nous le ferons, mais ce n’est pas d’actualité. Je suis persuadé que les marchés du commerce électronique et de la publicité vont continuer à croître.
Comment voyez-vous la suite, davantage de bande passante moins cher?
Il ne faut pas oublier que la grande majorité de nos clients utilisent l’internet essentiellement pour envoyer des e-mails et sont très contents avec un accès à 56 kbps. Bien sûr, une frange en veut toujours plus, notamment ceux qui téléchargent de la musique ou des films sur Kazaa. La tendance va bien sûr vers des accès toujours plus rapides à un meilleur prix. Nous nous intéressons à générer des revenus de cette évolution, comme de la commercialisation de films ou de télévision par ADSL. Mais c’est une vision à beaucoup plus long terme. Nous devons rester prudents, car il n’y aura pas de deuxième bulle.
