La réponse est tombée comme un couperet: 8×7=54. La sculpturale jeune femme qui en est l’auteur ne se doutait pas, en affûtant ses armes de séductrice, qu’elle aurait mieux fait de muscler aussi ses neurones avant le casting d’«Opération séduction aux Caraïbes», la saga de l’été de M6.
Son imposante plastique ne lui a pas permis de rattraper son erreur de livret. Le jury composé de quatre beaux garçons l’a éliminée après avoir accompagné d’un hochement de tête éberlué cet incongru «54». Elle ne montera pas à bord du splendide trois mâts.
Est-elle vraiment aussi nulle en maths? Peut-être a-t-elle seulement été victime d’un comportement fraîchement décrit par des scientifiques, baptisé «menace du stéréotype» («stereotype threat»), qui enlève aux femmes leurs moyens en mathématique lorsqu’elles se trouvent en présence d’hommes.
Michael Inzlicht et une équipe de chercheurs de l’université texane Brown ont fait passer des tests de maths et de culture générale à 168 étudiants des deux sexes. Testées dans des pièces sans hommes, les étudiantes ont obtenu 70% de réponses correctes en math. Celles-ci ont chuté à 58% dans des salles à majorité masculine. Leur déficit était directement proportionnel au nombre d’hommes présents.
Pour les questions de culture générale, leurs performances sont restées inchangées. Quant aux hommes, leurs prestations, dans les deux registres, sont demeurées insensibles à la connotation sexuelle du contexte dans lequel ils se trouvaient.
Ces résultats étonnants s’expliqueraient par la sensibilité des femmes à la «menace du stéréotype». Stéréotype toujours très tenace qui prête à la gent féminine moins d’aptitude pour les maths qu’aux hommes. Confrontées à la présence du sexe opposé, les femmes se rappelleraient soudainement ce cliché. Ceci perturberait leur esprit, incapable de se concentrer exclusivement à la résolution des problèmes qui leur sont soumis.
Une autre étude basée sur la relation entre taux de testostérone et performances intellectuelles chez les femmes et les hommes confrontés à une situation stéréotypique vient d’être publiée.
On y découvre non seulement l’aspect négatif, «menaçant», des stéréotypes déjà mis en évidence dans la première étude, mais une facette positive, «stimulante», lorsque les stéréotypes sont valorisants (les hommes semblent en bénéficier en math, discipline dans laquelle ils jouissent d’un stéréotype valorisant).
Que faire de tels constats? Exiger la réouverture de classes unisexes comme le suggère Inzlicht dans la conclusion de son travail? N’est-ce pas alors laisser intact le stéréotype et abandonner la mixité, objet de lutte des premières féministes? Pour Elisabeth Badinter, ce serait à coup sûr faire «fausse route» comme elle s’attache à le démontrer dans son dernier livre («Fausse route»). «Le féminisme de ces dernières années décrit une femme qui se pose trop facilement en victime, dénonce-t-elle. Cela mène à des rapports détestables entre les sexes.»
Au lieu de construire de nouveaux stéréotypes («les femmes perçues comme des enfants sans défense»), Elisabeth Badinter encourage les féministes à s’attaquer de front aux clichés qui les discréditent. «Les femmes sont nulles en maths» figure au nombre de ceux-ci.