Cinq filles, zéro garçon: la couverture parlementaire de la télévision romande a changé de sexe. Le Parlement, lui, reste massivement dominé par les hommes.
«Est-ce que nous donnons une image plus glamour de la politique? C’est possible, mais ce n’est certainement pas notre but. Le plus important reste la clarté des informations», dit Judith Mayencourt.
A Berne, pas moins de cinq femmes ont pour mission de raconter au téléspectateur romand le coeur de la politique suisse. Le dernier mâle à ce poste, Alain Rebetez, a quitté le palais il y a un an, et depuis son départ, le bureau a pris des airs de véritable gynécée fédéral. «On n’échappe pas aux remarques ironiques, dit Varuna Singh. Il y a toujours des parlementaires qui se veulent charmants et qui nous disent à quel point c’est agréable de venir dans notre bureau.»
Il est vrai qu’avec une représentation féminine de seulement 23%, le Parlement suisse reste très mal noté en matière d’égalité des sexes — loin derrière des pays comme le Costa Rica (35%), le Mozambique (30%) ou même le Turkménistan (26%). Et le tableau n’est guère plus reluisant du côté des journalistes en poste à Berne puisqu’on y retrouve, tous médias confondus, la même petite proportion de 23% de femmes.
«Si la TSR fait figure d’heureuse exception, c’est certainement dû à sa convention collective, qui parle beaucoup plus d’égalité homme-femme que les conventions de la presse écrite», estime l’ancien correspondant Georges Plomb. «La possibilité de travailler à temps partiel a aussi joué un rôle important», ajoute Varuna Singh. Ce souci d’équilibre se reflète également dans l’organigramme de la chaîne, où l’on découvre même un poste de délégué à l’égalité. «Cela dit, les compétences politiques ont toujours constitué notre priorité lors de l’engagement», note Christophe Chaudet, rédacteur en chef adjoint.
«Quand je suis arrivée en mai 2000, j’étais la seule femme du bureau, raconte Anne Markwalder. Je n’ai jamais ressenti de misogynie, ni de condescendance, mais j’ai entendu des politiciens dire que ce n’était pas possible qu’une rédaction parlementaire soit à 100% féminine.» Au point que l’été dernier, lorsqu’un poste à Berne s’est libéré, la TSR a publié une offre d’emploi précisant qu’«à compétences égales, priorité serait donnée à une candidature masculine»… Mais là encore, c’est une femme qui a été choisie.
La loi des séries? «Il faut savoir que les journalistes qui veulent venir faire ce boulot à Berne ne sont pas légion», lâche Anne Markwalder. «Et quand un secteur se dévalorise, on sait qu’il a tendance à se féminiser», ajoute Eliane Ballif, productrice de l’ensemble des programmes spéciaux liés aux élections nationales. «Toutes ces émissions spéciales, de même que les deux grands débats, seront d’ailleurs entièrement produits et présentés par des femmes», annonce-t-elle.
Mis à part quelques remarques attendues («un regard peut-être plus sensible», «peut-être plus humain»), la plupart des «nanas de la TSR», comme dit Varuna Singh, estiment que leur manière de couvrir l’actualité fédérale ne diffère pas radicalement de celle de leurs confrères. La seule nuance tient aux remarques parfois perfides entendues en coulisses. «Quand mon rouge à lèvre vire au fuchsia à l’écran à cause du bluebox, je peux être sûre qu’une de mes consoeurs va me faire une remarque après coup!», plaisante Judith Mayencourt.
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Une version de cet article de Largeur.com a été publiée dans Le Matin Dimanche du 13 juillet 2003
