L’agence militaire américaine se propose d’enregistrer toutes les données concernant la vie d’un individu. De nombreux chercheurs réputés trouvent l’idée épatante.
Howard Bloom, chroniqueur de la revue Wired. Il a choisi le numéro spécial du 10ème anniversaire (avril 2003) pour publier un papier au titre provocateur: «Je veux mon TIA», dans lequel il annonçait qu’avec la technologie envisagée, Google fera bientôt figure de moteur de recherche pour analphabètes.
Selon Bloom, le projet de suivre les terroristes à la trace «n’est qu’un prétexte pour que les meilleurs informaticiens de la Darpa créent ce que nous voulons vraiment: un paquet global d’augmentation de l’intelligence capable de rompre les barrières des logiciels qui fonctionnent comme un système nerveux central.» Il n’est pas le seul à défendre le projet.
Les plus optimistes rappellent que la Darpa a donné naissance à l’internet. Howard Bloom qualifie cet organisme «d’agence gouvernementale qu’un technophile peut aimer». La pertinence et la générosité de ses investissements en font une institution respectée dans la région de San Francisco, où on la retrouve derrière les entreprises les plus audacieuses en matière d’informatique, de biotechnologie et de nanotechnologie.
Howard Bloom et d’autres chercheurs font confiance au gouvernement et aux mécanismes de contrôle démocratique pour éviter les dérapages. Ils ont foi dans le progrès. A ce propos, un scientifique m’a dit récemment qu’il comprenait que la Darpa continue à développer de telles technologies, et à propos de LifeLog, il s’est déclaré «plus intéressé par le côté anti-Alzheimer de l’idée» que par les risques qu’elle implique.
Dans un courriel, Denise Caruso, directrice d’Hybrid Vigor, un institut de recherche transdisciplinaire, m’a déclaré: «Je me demande comment notre culture, en Amérique en tous cas, s’est tellement éloignée de la connaissance de soi que nous en venions à céder avec enthousiasme ce rôle à la technologie.»
Denise Caruso a cessé d’acheter des livres sur Amazon.com car elle se méfie des programmes capables de savoir quelles lectures peuvent l’intéresser. Elle conseille à chacun de rester sur ses gardes de façon «semi-permanente» et elle ajoute:
«Le fait de croire que nous pouvons avoir confiance dans le gouvernement pour la gestion de ce type d’information — il en va de même quand il s’agit d’un individu ou d’une corporation — est une ingénuité qui, de mon point de vue, frise la folie.»
