Le projet de Markus Häring vient de recevoir le soutien du gouvernement de Bâle Ville. En utilisant la chaleur souterraine, une centrale entièrement écologique pourra alimenter 5’000 ménages en eau chaude et en électricité.
Markus Häring pourrait s’approprier l’adage giscardien selon lequel «quand on n’a pas de pétrole, on a des idées». Ce scientifique bâlois planche depuis plusieurs années sur un ambitieux projet de géothermie baptisé «Deep Heat Mining».
Il s’agit d’une centrale énergétique qui exploite la chaleur souterraine en Suisse. La géothermie offre tous les avantages: son exploitation non polluante s’intègre bien dans le paysage et sa source est inépuisable.
La technique consiste à propulser de l’eau sous haute pression dans un forage à 5’000 mètres de profondeur, puis à la repomper à la surface quelques dizaines de mètres plus loin.
L’eau ainsi injectée ressort des profondeurs terrestres à une température d’environ 200 degrés. Maintenue sous pression pour ne pas qu’elle s’évapore, elle alimente ensuite une turbine à vapeur qui produit du courant électrique. Le reste du liquide permet de chauffer les maisons aux alentours.
Initié en 1996, le projet Deep Heat Mining a obtenu la semaine passée le soutien des autorités cantonales de Bâle Ville.
Markus Häring est aux anges. Car, et il est bien placé pour le savoir, «les sous, c’est la seule chose qu’on ne trouve pas en creusant le sol». L’exécutif bâlois propose au parlement d’octroyer un crédit de 32 millions au projet, et de financer 8 millions supplémentaires au moyen de la taxe sur l’électricité. «Nous pensons trouver encore d’autres partenaires, ce qui permettra de réduire la participation de l’Etat», précise Markus Häring.
Un tel financement permettra de garantir la réalisation de la phase initiale du projet, évaluée à 40 millions de francs. Cette étape décisive consiste à creuser un puits exploratoire de 2’700 mètres de profondeur (un premier puits a déjà été foré, avec des résultats prometteurs quant à la qualité de la roche), à réaliser le forage d’injection de 5’000 mètres ainsi que les deux puits de production (pour remonter l’eau).
«C’est la phase la plus risquée, car on ne peut jamais garantir que l’eau remonte facilement: cela dépend de la structure rocheuse dans l’endroit choisi. Mais les premiers résultats sont extrêmement encourageants.»
Reste ensuite à construire la centrale et le réseau dans les maisons. C’est la deuxième phase, aussi évaluée à 40 millions. «A ce moment là, nous n’aurons plus de problème pour trouver des partenaires car le plus dur sera fait.» La réalisation pourrait s’achever en 2007, et la commercialisation débuter en 2008.
La centrale produira 3 MW (MegaWatts) d’électricité et l’équivalent de 20 MW en eau chaude. Une capacité qui permet d’alimenter les besoins de 5’000 ménages toute l’année. «La stabilité de la production représente l’avantage décisif des centrales géothermiques sur les éoliennes ou les cellules photovoltaïques. La centrale éolienne de Mont-Crosin produit aussi 3 MW, mais elle ne fonctionne que 1’000 heures par année, soit huit fois moins que la nôtre.»
Au niveau électrique, le rendement d’une telle centrale n’est que de 12%, mais il est beaucoup plus élevé (entre 50% et 80%, estime Markus Häring) si l’on tient compte de l’utilisation de l’eau chaude à proximité.
Si le projet Deep Heat Mining voit le jour comme prévu, la Suisse deviendra pionnière en matière de commercialisation d’énergie géothermique. Supervisé par l’entreprise Geothermal Explorers de Markus Häring, le projet a mis en commun les talents des scientifiques de tout le pays, notamment des Ecoles polytechniques et du centre d’hydrogéologie de l’Université de Neuchâtel.
De nombreux autres sites conviendraient en Suisse, et plusieurs cantons s’intéressent à installer des centrales géothermiques, notamment Genève, qui a déjà étudié plusieurs emplacements pour la sienne.
Selon Markus Häring, 80 centrales à peine plus grandes que celle de Bâle permettraient de répondre à un tiers des besoins énergétiques du pays. De manière complètement naturelle.
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Non loin de Bâle, à Soultz-sous-Forêts, en Alsace, un prototype de centrale géothermique est aussi en développement. Il est financé par l’Union européenne.
