Nouvel album, nouvelle tournée mondiale… Ils vont bientôt s’envoler pour Londres et le Japon, retrouver leurs fans et signer des autographes, exactement comme des stars du rock. Sauf qu’ils ne produisent pas de l’audio, mais du visuel.
Les cinq designers bernois de Büro Destruct créent des images, des personnages 3D et des typographies qui enthousiasment bien au-delà du cercle des professionnels: le précédent recueil de leurs travaux, simplement intitulé «Büro Destruct I», s’était vendu à plus de 16’000 exemplaires, un chiffre très inhabituel dans l’édition suisse.
Le deuxième volume*qui sort ces jours-ci devrait faire encore mieux. «Nous allons partir à Tokyo en septembre pour assurer la promotion, explique Lopetz, l’un des membres fondateurs du groupe. Et comme les Japonais aiment bien les gadgets, nous avons fait fabriquer à Hong Kong des jouets gonflables basés sur certains de nos dessins.»
Ces jouets seront ensuite vendus dans la galerie-boutique Büro Discount, qu’ils ont ouverte à Zurich pour présenter leurs créations et celles d’artistes amis.
Depuis sa fondation il y a dix ans, Büro Destruct a toujours su naviguer entre deux eaux, à égale distance des travaux commerciaux et de la création libre. Exemple en 2000, quand une de leurs polices typograpiques a été choisie par le groupe Radiohead pour son nouveau logo, les Bernois n’ont pas touché un centime puisqu’ils distribuaient cette «font» gratuitement sur le Net. Mais l’opération leur a été très bénéfique en termes d’image, renforçant leur réputation sur la scène internationale.
Dans la foulée, Swisscom leur a commandé des robots virtuels en 3D pour une campagne de pub et la marque Parisienne leur a confié le nouveau code-couleur de ses paquets de cigarettes. Sans oublier Sony Robotics, pour qui les cinq Bernois ont développé des prototypes du chien Aibo et d’un humanoïde articulé.
«Ces travaux commerciaux nous permettent de maintenir un bon équilibre avec nos créations libres, comme par exemple le site Loslogos qui veut combattre la disparition des vieilles enseignes, explique Lopetz. C’est une sorte de Greenpeace pour les logos. Les internautes peuvent nous envoyer leurs photos de beaux vieux logos et nous les publions. Nous en avons déjà environ 300.»
A côté des travaux de commande, le livre «BD2» présente des affiches de concert, des pochettes de disques et des reportages photo, tout en laissant une large place à des délires visuels souvent imprégnés d’imagerie helvétique.
«Le graphisme suisse connaît un revival depuis quelques années, et ça nous amuse beaucoup de jouer avec ces clichés», dit Lopetz. Entre une vache hallucinée, un saint-bernard dégoulinant d’affection et une arbalète attestant de sa qualité, le livre montre une explosion atomique dans un caquelon de fondue.
Autre exemple de l’approche Büro Destruct, le travail offert il y a trois ans au magazine Soda qui leur avait laissé carte blanche pour un reportage sur l’île écossaise de Jura. Les cinq graphistes ont photographié des collines sauvages, de rudes buveurs de bière dans des pubs, des chemins désertés sous la pluie, des maisons isolées dans la lande…
Autant d’images typiquement écossaises qui ont été publiées dans le numéro 15 de Soda, qu’on peut commander en ligne. Mais en découvrant ce reportage intitulé «Isle of Jura», on est saisi d’un doute. Et si ces photos avaient simplement été prises entre Delémont et Porrentruy…
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«Büro Destruct 2», édition Die Gestalten Verlag, Berlin.
Vernissage du livre jeudi 14 août 2003 à 14 heures à Büro Discount, Zurlindenstrasse 226, à Zurich.
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Une version de cet article a été publiée dans L’Hebdo du 14 août 2003.