L’année 2004 s’annonce laborieuse et compatissante. Ces prévisions ne découlent pas de la configuration des astres mais d’un simple examen du calendrier.
2004 sera une année bissextile laborieuse à cause des jours fériés, qui ne sauraient plus mal s’agencer. Le 1er mai tombera un samedi, le 1er août un dimanche, et Noël et la Saint Sylvestre fusionneront avec des week-end. Dans les cantons catholiques, le 15 août, date de l’Assomption, coïncidera avec un dimanche. Autant dire qu’il n’y aura que la Pentecôte et l’Ascension qui nous feront profiter d’un pont.
Par la grâce du calendrier, les travailleurs suisses voleront ainsi au secours de Hans Rudolf Merz, le nouveau ministre des finances, en travaillant gratuitement cinq jours de plus qu’en 2003.
Mais cela n’influencera pas forcément la conjoncture. Car si les Allemands ont évalué à 1,7% le gain de croissance suscitée par ces jours fériés réduits au minimum, les Suisses n’en attendent pas d’impulsion particulière. Selon Bernd Schips, directeur de l’Institut de recherche sur la conjoncture à l’EPF de Zürich, «la Suisse ne connaît en effet pas un problème au niveau de la production mais de la demande qui, elle, ne variera pas» (Aargauer Zeitung, 29.12.03).
Il n’est d’ailleurs même pas certain que ces heures de travail supplémentaires se solderont par une plus grande production. Bernd Schips craint en effet que des ajustements d’ordre psychologique conduisent à un «absentéisme très élevé».
Si la distribution plus ou moins heureuse des jours fériés échappe à la mainmise de l’homme sur le calendrier, il est une évolution qui, elle, en découle directement: la disparition des saints. Mis à part Nicolas et Sylvestre, ils semblent s’être évaporés.
En se levant le matin, il s’agit désormais de savoir à quel fléau vouer sa réflexion du jour ou son aumône: Journée du refus de la misère, Journée des handicapés, Journée de la diversité biologique, Journée de la prévention du suicide, Journée des filles, Journée sans tabac, Journée de la lutte contre la désertification de la sécheresse, Journée de la commémoration de la traite négrière et de son abolition…
Curieusement, aucun calendrier sur le marché ne semble répertorier ces «journées de». Ce sont les médias qui se chargent de diffuser l’information. Et comme les journées ne suffisent pas, nous aurons aussi droit à la Semaine d’éducation contre le racisme, à la Semaine de la solidarité, à l’Année pour le dialogue entre les civilisations et à l’Année pour le patrimoine culturel.
Jugez plutôt. 2004 sera simultanément l’Année du riz pour l’Assemblée des Nations Unies, l’Année pour l’abolition de l’esclavage pour l’UNESCO et l’Année de l’Evangélisation mondiale pour l’Eglise Adventiste.
Depuis quelques années, on assiste à une multiplication de ces journées, de ces semaines ou de ces années décrétées fédérales, nationales, internationales ou mondiales pour autant de «bonnes causes» (lire ici la liste étonnante de toutes ces journées). Leur prolifération serait-elle à la mesure d’une mauvaise conscience sous jacente?
Le 22 mars, Journée mondiale de l’eau, c’est promis, on tirera la chasse en ayant une pensée pour tous ces malheureux qui doivent aller puiser leur eau dans un puits. Le 5 juin, Journée de l’Environnement, on utilisera les transports publics pour se rendre au travail. Le 8 septembre, Journée internationale de l’alphabétisation, on versera un petit quelque chose à l’Association «Lire et Ecrire».
Depuis qu’il n’est plus question de changer le monde, on zappe toutes les 24 heures d’une compassion à l’autre. A chaque jour suffit sa peine! Mais que de peines. Leur liste excède les 366 cases disponibles et des collisions commencent à se produire (ainsi, le 6 décembre dernier était à la fois la Journée internationale contre la violence envers les femmes et la Journée du Téléthon).
En France, l’aménagement du calendrier suscite actuellement de belles bagarres avec le projet Raffarin de suppression du lundi de Pentecôte férié et le rapport Stasi et sa proposition d’introduction de deux nouveaux jours fériés pour satisfaire les communautés musulmane et juive.
Au même moment, des communautés réclament à grands cris leur droit à un «jour». Dernière en date, SOS Homophobie. A l’échelon européen, c’est le Groupe Paroles qui demande un Jour de réconciliation et de paix qui remplacerait le 11 novembre et le 8 mai, deux journées qui rappellent des victoires pour les uns et des défaites pour les autres.
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Pour en savoir davantage sur le calendrier, Herodote.net.