La première encyclopédie écrite par les usagers bénévoles du Net fête ses trois ans. Elle compte 195’000 entrées et dépasse donc Encarta ou Britannica. Son concept participatif révolutionnaire commence à s’étendre à d’autres secteurs. Le monde sera Wiki.
Connaissez-vous Wikipedia? C’est sans doute l’une des entreprises les plus surprenantes de l’internet. Il s’agit d’une encyclopédie participative: tous les internautes peuvent participer à sa mise à jour. Le 15 janiver, la Wikipedia a fêté son troisième anniversaire.
Et elle a bien grandi et compte désormais plus de 195’000 entrées en anglais auxquelles il faut ajouter de nombreux textes dans 54 autres langues (15’000 en espagnol, 24’000 en français, par exemple). A titre de comparaison l’édition 2004 de la fameuse Encyclopaedia Britannica affiche environ 100’000 définitions et l’édition de luxe d’Encarta n’en promet que 60’000. C’est que Wikipedia est alimentée à un rythme d’enfer: entre le 20 juillet 2002 et le 20 juillet 2003, la moyenne des contributions s’est élevée à 3’300 articles modifiés et 275 nouveaux articles publiés quotidiennement.
«Wiki» désigne désormais ce concept qui consiste à mettre en place des sites modifiables par une communauté. Le mot signifie «vite» en hawaïen. Rapide, il l’est, mais peut-on faire une encyclopédie sérieuse sur de telles bases?
«Le modèle Wiki donne lieu à beaucoup moins de problèmes que vous n’imaginez, explique à Largeur.com Jimmy Wales, initiateur de la Wikipedia. Fondamentalement, cela n’est guère gratifiant pour les usagers de publier du mauvais contenu ou des agressions car tout cela est éliminé très rapidement par les autres.»
En fait, le système s’autorégule car tous les changements peuvent être annulés par tout le monde. La communauté peut rectifier les erreurs ou les abus à mesure qu’ils sont publiés grâce à un lien sur la page d’accueil qui conduit à une page (la plus visitée du site) sur laquelle sont enregistrées toutes les modifications récentes.
Les contributions proviennent le plus souvent de professeurs, d’étudiants ou d’individus passionnés de tel ou tel sujet. Mais l’essentiel du travail est dû à la collaboration régulière d’un groupe de 200 personnes environ qui assurent le suivi et le maintien de la qualité.
«Nous avons eu quelques rares cas d’internautes qui refusaient de travailler correctement avec d’autres et nous sommes en train de travailler à la mise en place d’un système de comités de membres élus pour répartir la gouvernance à mesure que nos besoins croissent», poursuit Jimmy Wales.
Les vandales écartés, il faut aussi faire face aux opinions trop marquées. «Nous ne contrôlons pas ce que les gens écrivent, dit encore Wales. Mais une des normes sociales de la communauté est que les articles de doivent pas prêter à controverse.»
Conformément à la philosophie de base des Wikis et à un mouvement croissant de refus des «copyrights», tout ce qui est publié sur Wikipedia est peut être largement reproduit. Fonctionnant toujours sur le même principe, les Wikis tendent à se répandre. Ils sont utilisés ailleurs, y compris dans le monde des affaires, par les groupes et institutions qui souhaitent encourager vraiment la collaboration en ligne.
Si le modèle Wikipedia confirme sa validité, il pourrait avoir un impact dans d’autres directions. «J’attends beaucoup des WikiBooks, illustre Jimmy Wales. Je pense qu’ils pourraient bien révolutionner la façon dont sont produits les livres de classe au cours des vingt prochaines années. Il s’agit du même effort collectif pour publier des livres de textes pour les écoles que celles-ci pourraient utiliser librement en n’ayant à payer que le prix de l’impression.»
On en revient ainsi à la question de la qualité. Les articles de Wikipedia sont encore très inégaux. Wales fait remarquer que certains sujets sont traités au plus haut niveau (quand un groupe de pointe participe à la rédaction) et que les sujets sont mieux tenus à jour que dans les encyclopédies traditionnelles. Il faut sans doute laisser le temps faire son œuvre (l’Encyclopaedia Britannica a 235 ans) et voir ce que donnent les mécanismes de supervision qui sont amenés à se mettre en oeuvre à mesure que le projet se développe.
