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Les derniers gadgets de l’armée suisse

Les militaires adorent les gadgets, c’est bien connu. Les fabricants rivalisent donc d’imagination pour leur proposer des véhicules novateurs, des systèmes de vision nocturne, des simulateurs de vol et toutes sortes d’autres technologies révolutionnaires.

En Suisse, cependant, l’armée n’est pas en très bonne posture pour les acquérir puisque ses budgets ne cessent de fondre. Mais n’exagérons rien: elle continue à dépenser des centaines de millions de francs chaque année pour s’équiper.

«Les montants n’ont cessé de baisser, déclare Godi Huber, porte-parole de l’armée. Au début de la décennie 90, le budget d’équipement dépassait le milliard annuel. Aujourd’hui, on espère obtenir 400 millions.» La chaîne de commandement étant assez longue, il faut souvent plusieurs années pour que les achats soient suggérés, étudiés, avalisés, commandés, puis finalement livrés. Les nouveautés sont généralement réservées à quelques chanceux. Les simples soldats n’en voient presque jamais la couleur.

A quoi ressemblent les dernières merveilles de l’armée suisse? Qu’a-t-elle ramené de ses dernières séances de shopping? Nous avons eu envie d’aller voir. Voici ce qu’elle nous a montré.

L’habilleur à laser

L’armée suisse adore habiller ses soldats au millimètre. Pas étonnant qu’elle ait choisi ce bodyscanner à laser qui mesure avec une précision d’horloger les dimensions des recrues. Sur ordinateur, l’opérateur peut restituer le corps dans tous ses détails. Hauteur, tour de col, longueur des bras, ventre, ceinture, entre-jambes, rien n’échappe au rayon laser.

L’armée suisse a choisi le modèle haut de gamme qui mesure l’anatomie en trois dimensions. Il est plus cher, notamment parce qu’«il permet aussi de mesurer le tour de poitrine des femmes», annonce sans rire l’officier responsable. Déterminées par la machine, les tailles de tous les habits du soldat sont transmises électroniquement à l’arsenal. Cela permet de réaliser d’importantes économies dans la gestion des stocks. Sept bodyscanners sont en train d’être installés dans les centres de recrutement. Fabriqués en Allemagne, ils coûtent 200’000 francs pièce.

Le jeu vidéo à 40 millions

Cette grosse machine a été fabriquée par la firme française Thales (ex Thomson-CSF). Il s’agit d’une sorte de jeu vidéo qui reproduit très exactement le cockpit et les commandes du célèbre hélicoptère de transport Super Puma. Il simule par ailleurs fidèlement tous les détails du paysage suisse.

La première version a été installée en 1993, mais le simulateur a été régulièrement adapté et amélioré. Monté sur des vérins, l’appareil reproduit à merveille les mouvements de vol. L’image est transmise sur l’écran avec des effets de jour et de nuit (y compris avec vision nocturne). L’instructeur peut déterminer les périodes de l’année, le vent et les conditions météo, et s’amuse volontiers à ajouter de la neige, de la pluie et des grosses tempêtes pour tester la dextérité du pilote.

Une bonne partie de l’instruction ainsi effectuée consiste à simuler des situations d’urgence, des pannes de moteur ou même de la fumée dans le cockpit, reproduite de manière très réaliste. L’appareil offre également des applications civiles; les militaires le louent pour des entraînements de pilotes spécialisés dans les sauvetages en mer. De quoi rentabiliser quelque peu les 40 millions de francs suisses qu’a coûté cette console géante.

Le tout-terrain à vision nocturne

Ce camion de fabrication suisse sert de poste de commandement de tir. Du haut de sa tourelle, l’officier bénéficie d’un poste de commande high tech pour prendre les bonnes décisions. Le plus novateur est son système de navigation au laser, couplé à un détecteur GPS. Le positionnement par satellite, qui ne fonctionne pas sous couvert (forêt, obstacle), est secondé par un système laser beaucoup plus fiable et précis. Dans la tourelle, un dispositif de vision nocturne équipé d’une caméra thermique permet de voir jusqu’à une distance d’une dizaine de kilomètres par tous les temps et toutes les conditions climatiques.

Le pilote bénéficie aussi d’une lunette à détection thermique qui lui permet de déplacer l’engin dans la nuit. Grâce au positionnement précis et rapide du véhicule, l’officier peut ensuite rapidement déterminer les coordonnées des cibles, puis les transmettre aux obusiers ou lance-mines. Le V8 diesel de 6,5 litres qui propulse l’engin sur les quatre roues déploie 190 chevaux et un couple phénoménal. De quoi déplacer ses 5’800 kg à 120 km/h, dit le constructeur Mowag basé à Kreuzlingen.

L’armée suisse a acquis 120 véhicules comme celui-ci pour un montant total de 166 millions de francs (oui, ça fait plus d’un 1,3 million la pièce). Les premiers appareils ont été livrés en octobre 2002. Les derniers arriveront en mars prochain. Ils se destinent essentiellement aux troupes d’artillerie ou à des missions d’observation.

Le gestionnaire de sueur

Puisque les budgets ne suffisent plus pour acheter des fusils, l’armée suisse innove en matière d’habillement. Ainsi, le «sweat management» (gestion de la sueur) est devenu un concept, une culture, une science. Une priorité. Il s’agit d’un matériel d’habillement à quatre couches, mis au point de manière scientifique, optimisé et testé au Centre d’instruction pour le combat en montagne (CICM) à Andermatt.

Objectif, maintenir le soldat au chaud et au sec. Preuve que ça marche: on a fait grimper 800 mètres de dénivelée à une recrue en 1h30. Pendant cet effort, son corps a produit 1210 grammes de transpiration. Grâce au nouveau tissu baptisé Sweatmanagement, seulement 208 grammes ont fini dans les couches du vêtement. Le reste s’est évaporé.

Fière de cette performance technologique, l’armée s’est dotée d’un label, «Approved by Armasuisse», que certains produits similaires pourront arborer s’ils répondent aux exigences du Groupement de l’armement.

Le développement de ce tissu a coûté 200’000 francs aux autorités militaires. Ce sont des chercheurs en textile du laboratoire fédéral (LFEM) de Saint-Gall qui l’ont mis au point, en collaboration avec l’entreprise Eschler, qui fabrique notamment les combinaisons pour tous les skieurs de l’équipe suisse. Cette dernière se chargera d’une commercialisation civile d’équipements similaires.

Un maillot en Sweatmanagement coûte environ 30 francs à l’armée suisse, contre moins de 10 pour le bon vieux «Gnägi» à col roulé que tous les militaires connaissent bien. Seules les troupes les plus sportives (notamment de montagne) auront le droit d’utiliser cette merveille.

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Photos: © Armée suisse.