Les budgets de media planning et de création publicitaire quittent la Suisse romande. La baisse des volumes pousse les annonceurs à centraliser leurs activités pour faire pression sur les prix.
McDonald, H&M, Nestlé… La liste des déserteurs ne cesse de s’allonger. Fidèles pendant de longues années, ces grands comptes ne confient désormais plus leurs budgets publicitaires à des agences romandes. Ces multinationales se tournent vers Zurich, où s’organisent l’essentiel du media planning du pays, même pour des entreprises qui ont leur siège en Suisse romande.
«La baisse de la conjoncture a accentué ce phénomène de centralisation, analyse Charly Schwarz, consultant publicitaire à Genève. Les annonceurs optimisent globalement leur stratégie. Dans notre pays, ils vont là où se trouve l’essentiel des médias, c’est-à-dire la Suisse allemande. Depuis quelques mois, c’est l’exode.»
Pedro Simko, de l’agence du même nom, ajoute: «Il y a une raison historique, une sorte de «complexe d’infériorité romand», qui fait que la clientèle suisse préfère travailler avec Zurich en matière de pub, surtout quand les budgets sont à la baisse: nous sommes désormais la seule agence importante dont le directeur de la création est à Genève. Pourtant, il n’y a aucune raison: la Suisse romande dispose des meilleurs créatifs, et une approche beaucoup plus internationale.»
Intégré à un réseau international depuis sa fusion avec Saatchi & Saatchi, Simko s’en sort bien. Mais les temps sont durs pour les agences romandes, notamment celles de media planning. La plus importante, Mediaedge:cia, à Lausanne, a dû réduire ses effectifs en début d’année suite à l’abandon de plusieurs grands comptes, dont Nestlé et H&M.
«Nous ne voulons pas jouer les pleureuses mais nous ne pouvons que confirmer la tendance, dit son directeur Saverio Progano. Je l’explique notamment car les grands groupes engagent souvent des Alémaniques à la tête de leur département de communication. Ces gens viennent avec leur réseau et travaillent plus facilement avec des Zurichois.»
Chez Nestlé, on dit seulement avoir voulu simplifier la structure et baisser les coûts: «Nous avions plusieurs agences pour nos différentes catégories de produits: chocolats, eaux minérales, café, explique Philippe Oertlé, le porte-parole de la multinationale. En regroupant l’ensemble des budgets chez Optimedia à Zurich, le portefeuille était plus important et nous avons pu bénéficier d’un meilleur tarif. Par ailleurs, c’est plus facile de ne s’adresser qu’à un seul interlocuteur pour l’ensemble de la stratégie.»
Dans d’autres cas, la décision de changer d’agence ne vient pas de Suisse. Pendant 18 ans, McDonald a confié ses budgets à Mediaedge:cia. L’an dernier, à la suite d’un «pitch» (un appel d’offre concurrentiel), le géant du fast food s’est tourné vers Mediacom, basée à Zurich. Mais finalement, McDonald vient de décider de centraliser mondialement la gestion de ses budgets publicitaires à l’agence OMD, dont le siège suisse est à Zurich.
«Pour nous, la localisation d’une agence n’intervient pas dans le choix, explique Jean Laporte, directeur du marketing. Nous choisissons la plus compétitive qui nous offre le meilleur service. Dans le cas d’OMD, c’est une décision de groupe qui nous permet de bénéficier de bonnes prestations et d’une entente globale qui améliore la circulation des informations entre les pays.»
Typiquement, entre 2 et 3% des budgets publicitaires finissent dans la poche de l’agence de media planning. Mais en augmentant les volumes, le client peut faire baisser cette commission à 1%, voire moins. «La facturation se fait parfois aussi selon un décompte horaire, relativise Saverio Progano de Mediaedge:cia. Ainsi, un client local dont le budget est moins important peut se révéler tout aussi rentable pour une agence comme la nôtre. Une piste pour nous consiste à se concentrer sur des entreprises locales comme les TPG par exemple.»
Pour Pedro Simko, la Suisse romande peut malgré tout jouer la carte des grands comptes grâce à l’installation de grandes multinationales dans la région. «Avec des annonceurs comme Gillette ou Procter & Gamble, basés à Genève, il y a un potentiel immense. C’est d’ailleurs une des raisons qui explique l’entrée de Saatchi dans notre capital. Pour moi, la centralisation vers Zurich n’est qu’un phénomène passager. Je suis très confiant pour l’avenir de la région romande.»
