Recevoir son film comme une pizza, c’est ce que propose DVDmania.ch, une entreprise créée par des Genevois dont le chef des Verts au Grand Conseil.
Choisir son film et le recevoir chez soi: c’est le rêve du vidéophile. En attendant que les films commandés se téléchargent par câble ou satellite (un système au développement plus lent que prévu), une bande d’étudiants genevois les fait voyager au moyen d’une technologie plus classique: le scooter. A Genève, DVDmania.ch propose 1300 films livrés par porteur dès 19 heures tous les jours de l’année.
«Nous avons constaté que, malgré leur haut niveau de vie, les Suisses n’ont que trop peu accès à des services de livraison à domicile, explique Antonio Hodgers, l’un des fondateurs de DVDmania qui est aussi député vert au Grand Conseil. Par ailleurs ce modèle nous a permis de diminuer les frais de maintenance et de stockage puisque nous avons pu démarrer dans un appartement.» L’entreprise a été lancée il y a deux ans avec des fonds propres de 36000 francs divisés en trois parts équivalentes pour le développement du site, l’achat du stock de films et la publicité.
Deux ans après, elle n’a pas d’employé, à part un gérant à moins de 20%: et tous les associés se transforment aussi en coursiers, à la nuit tombée. «Je livre des DVD régulièrement, comme les autres, poursuit Antonio Hodgers. Les membres du parti me disaient que ce n’était pas un modèle écologique, mais je les ai convaincus en leur montrant les files de voitures devant les vidéoclubs. Avec un seul trajet en scooter nous livrons quatre ou cinq foyers à la fois!»
Livré le jour même L’offre concurrence efficacement les vidéothèques: fini le parcage en double file, les titres non disponibles et les surtaxes pour les retours en retard. «Nous souffrons encore du manque de notoriété à cause de nos moyens très limités pour la promotion, poursuit le député. Mais on sent que le bouche-à-oreille fonctionne car les chiffres sont en constante augmentation.»
Le fonctionnement est simple: l’usager commande son film sur le net et choisit l’heure à laquelle il veut que l’on sonne à sa porte le jour même. DVDmania lui garantit une arrivée du coursier dans le courant de l’heure choisie, sous peine de lui rembourser une partie des frais de livraison qui vont de Fr. 5.90 à 8.90 en fonction de la distance. Le premier film est loué 7 francs, et les suivants 5 francs. «Dès deux films, nos prix sont comparables avec ceux d’un vidéoclub classique, explique Lucio Ferlazzo, l’étudiant qui sert de gérant. Nous comptons environ 2000 clients répertoriés, dont 170 commandent régulièrement. Nous enregistrons environ une vingtaine de réservations en moyenne par jour, avec un pic le vendredi car les clients peuvent alors garder les films chez eux tout le week-end sans augmentation de prix.» Le retour du DVD s’effectue par la poste, grâce à une enveloppe prétimbrée.
«C’est l’un des avantages de notre formule, constate Antonio Hodgers. Car si les clients vont volontiers chercher un film au vidéoclub en sortant du boulot, ils n’aiment pas devoir le rapporter le lendemain. Mais il est évident que nous avons davantage de clients dans les quartiers qui n’ont pas de bon club à proximité comme Le Petit-Lancy, Carouge ou les hauts de Saint-Jean.»
Mise en bouche DVDmania propose aussi des snacks, et a envisagé de s’associer avec Domino’s Pizza pour proposer des formules combinées. «Mais nous avons dû arrêter car les livreurs de pizza étaient trop inexpérimentés pour s’occuper de DVD, sourit le fondateur. Ils oubliaient de faire signer les contrats des nouveaux clients et perdaient souvent les films.» DVDmania réfléchit à des partenariats avec des restaurants ou de petites épiceries pour proposer de quoi manger. Par ailleurs, la jeune entreprise compte se développer sur Lausanne.
D’autres systèmes de livraison à domicile existent, mais basés uniquement sur l’envoi postal comme home-dvd.ch, kinoflex.ch ou Netmovies.ch, le plus gros du marché.
Les investissements pour la mise en place de tels sites sont cependant supérieurs car ils comportent un système de paiement électronique et une gestion automatique des envois. Le fondateur de Netmovies, Pierre Runser, a dépensé trois fois plus d’argent pour mettre en place sa plate-forme en ligne que ce que coûte un magasin de quartier. Mais le marché potentiel est beaucoup plus large car il dessert toute la Suisse. «Nous sommes la plus grande dvdthèque du pays avec plus de 10000 titres, s’enorgueillit Pierre Runser. Nous tenons 47% du marché du DVD à domicile.»
Le délai de livraison est compensé par un avantage: la discrétion et l’anonymat postal. «Les films X représentent environ 20% des locations, dit Pierre Runser. Nous possédons d’ailleurs le plus vaste assortiment de Suisse en la matière.»
Chez DVDmania.ch, en revanche, le porno n’atteint pas 10% des films livrés. «C’est que l’amateur de X ne veut pas se confronter au regard du livreur, analyse Antonio Hodgers. Par ailleurs, nous n’avons pas une très bonne sélection dans ce secteur car on s’y connaît mal. Cela dit, lors des livraisons à ce type de clientèle, on constate qu’il y a de nombreux couples: ça va à l’encontre des clichés, vous ne trouvez pas?»
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Une version de cet article a été publiée dans L’Hebdo du 12 mai 2004.
