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Des jeunes pousses (trop) bien arrosées

Cross-fertilization. C’est le terme qu’utilisent les jeunes entrepreneurs quand ils parlent du Parc scientifique d’Ecublens (PSE). Ce concept de «fertilisation croisée» convient bien à l’endroit, créé en 1991 pour favoriser le développement d’entreprises technologiques à proximité de l’EPFL: l’ensemble du parc est organisé de manière à encourager l’échange d’idées, l’émulation réciproque et la multiplication des contacts. En particulier la cafétéria, qui joue bien son rôle de laboratoire social.

«Quand ils s’installent ici, les jeunes entrepreneurs savent qu’ils rejoignent un réseau, dit Jacques Laurent, directeur du PSE. Et qu’ils pourront y croiser quelques stars, comme Russell Coutts.» L’équipe d’Alinghi, vainqueur de la Coupe de l’America, est effectivement installée sur le parc, où elle développe la technologie qui lui permettra de défendre son titre à Valence.

Ce réseautage naturel du campus devient beaucoup plus méthodique et intensif quand l’un des trois coaches du PSE entre en piste: «En ce moment, nous hébergeons environ 80 entreprises, explique Jean-Marc Wismer, 38 ans, responsable du coaching au Parc scientifique. Notre rôle est d’accompagner les jeunes entreprises et, en fonction des lacunes que nous détectons, de les mettre en contact avec tel ou tel membre de notre réseau. Par exemple au niveau de la Confédération avec CTI start-up, au niveau du canton avec le Département de l’économie, ou encore avec la Fondation pour l’innovation technologique (FIT).»

Cette FIT est en quelque sorte le bras financier du Parc. Elle octroie des prêts de 100 000 francs, renouvelables deux fois, pour un total qui, l’an dernier, s’est élevé à 1,3 million. La marche à suivre n’est pas compliquée: «Quand un porteur de projet s’installe au Parc, les coaches l’aident à préparer un dossier qui nous sera soumis, explique Régis Joly, secrétaire de la FIT. Notre décision peut intervenir dans le mois qui suit.»

Le principe est bien rodé, peut-être même trop bien: on reproche parfois au Parc de tarder à «retirer la prise» des entreprises qui végètent. Parmi les esprits critiques, Jean-Pierre Rosat, un ancien du Parc qui sait de quoi il parle. A 42 ans, il a déjà lancé trois sociétés, dont Apoxis, où il dirige actuellement une équipe d’une trentaine de personnes. «Une de mes entreprises précédentes était installée au Parc, raconte-t-il. En plus des locaux adéquats, de la cafétéria, des salles de réunion et du service de distribution du courrier, qui nous ont facilité la tâche, nous avons bénéficié de contacts très utiles. Aujourd’hui, le PSE nous envoie régulièrement des étudiants pour des visites: des liens se tissent, des cartes de visite s’échangent, ce qui est très bien.»

Le fonctionnement financier de l’institution le laisse plus sceptique: «Ces incubateurs devraient parfois être plus stricts, et admettre que quand l’oeuf n’a pas éclos après vingt-quatre mois, c’est qu’il n’a pas été fécondé…»

Le Parc scientifique serait-il trop laxiste envers ses locataires? «Nous entendons cette critique, et nous allons essayer d’appliquer des conditions plus fermes, répond Régis Joly. Cela dit, notre rôle est d’encourager les entreprises, pas de les décourager.»

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Le Parc scientifique a été créé par Bernard Vittoz, en 1991, sous la forme d’une fondation de droit privé. Son réseau englobe la Fondation pour l’innovation technologique (FIT), qui propose des financements de démarrage (seed money) aux entreprises; la Promotion économique vaudoise, qui prend en charge le «coaching» des entrepreneurs; CTI start-up, organisme fédéral d’aide aux jeunes entreprises; et évidemment l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d’où viennent la majorité des entrepreneurs du Parc.

Personnalités:

François de Coulon, économiste à l’Etat de Vaud; Régis Joly, secrétaire de la Fondation pour l’innovation technologique; Urs Althaus, de CTI-startup; Andrea Pfeiffer, ex-directrice du centre de recherche de Nestlé et actuelle directrice de IC Immune; Barbara Polla, auteur du livre Vocation Créateurs; Xavier Comtesse, directeur romand d’Avenir Suisse; Rémi Walbaum, de Create Switzerland.

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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 18 mai 2004.