Travailler de nuit, au contact des jeunes pour prévenir et apaiser les éventuels débordements: telle est la mission des correspondants de nuit. Créée en 2015 par la Ville de Lausanne, l’unité compte aujourd’hui 13 intervenants professionnels – 9,6 équivalents plein temps. Véritables acteurs de l’apaisement urbain, les équipes pluridisciplinaires interviennent sur des problématiques de sécurité, sanitaires, ou sociales. Nora Bongard, 29 ans, travaille à tranquilliser les soirées lausannoises. Témoignage.
En quoi consiste le métier de correspondant de nuit?
Nora Bongard: Nous sommes présents le soir dans différents quartiers de Lausanne afin de faire de la prévention. Nous allons par exemple à la rencontre de groupes de jeunes, généralement réunis dans un cadre festif, avec qui nous discutons des dangers de l’alcool et des stupéfiants. Nous leur expliquons qu’une consommation excessive peut les mettre en danger, vis-à-vis d’autrui, mais aussi d’eux-mêmes. Nous sensibilisons également au harcèlement de rue, notamment en distribuant des cartes avec un QR code renvoyant directement sur le site de la police, où il est possible de signaler un abus subi ou constaté. Notre travail consiste aussi à désamorcer les conflits, à diminuer le bruit pour le voisinage et à empêcher la déprédation de l’espace public. De nombreuses problématiques peuvent se régler par le dialogue.
Comment devient-on correspondant de nuit?
À la création de l’unité en 2015, les correspondants détenaient une formation soit psychosociale, soit médicale ou sécuritaire. Depuis deux ans, les critères de sélection se sont élargis. Je viens moi-même du milieu de la coiffure. J’ai décidé de changer de métier parce que je souhaitais apporter mon aide à tous les citoyens, différemment qu’en les coiffant. Être correspondante de nuit me permet de garder ce contact humain autrement. Tous les correspondants suivent régulièrement des formations en interne: premiers secours, méthodes de médiation et de désescalade, prévention contre le harcèlement de rue ou encore les risques d’addiction. Nous sommes toujours en duo voire en trio pour les interventions. Cela nous permet d’être un groupe solide, et de nous adapter aux besoins de la situation. Une jeune femme pourra par exemple préférer discuter avec une correspondante, ou certains hommes régler leurs conflits avec mes homologues masculins.
Qu’est-ce qui vous plaît dans ce métier?
Les nouvelles rencontres, les discussions, les problématiques à gérer: aucune soirée ne se ressemble! J’aime les échanges avec les jeunes notamment. Nous n’avons pas de pouvoir de sanction ou d’arrestation, ce qui facilite la discussion.
Quelles sont les qualités nécessaires pour être correspondant de nuit?
Il faut avoir une bonne connaissance du milieu urbain lausannois. Je pense qu’il est également primordial d’être résistant aux tensions, d’avoir des compétences en communication tout en sachant garder une position de neutralité et d’impartialité.

Comment se déroule une soirée type?
Les jeudis, nous sommes en intervention de 16h à 1h du matin, les vendredis et samedis, de 18h à 2h, et les mercredis et dimanches, de 16h à minuit. Les week-ends, nous commençons nos rondes généralement par les bords du lac et les différents quartiers comme le Flon et la place de l’Europe. Pour la deuxième partie de soirée, nous nous rendons à proximité des boîtes de nuit. Nous arrêtons à 2h du matin puisque passé cette heure tardive, les esprits ne sont plus aussi réceptifs à la prévention.
Quelles situations rencontrez-vous?
Nous constatons régulièrement le cas de jeunes hommes seuls et désorientés, souvent intoxiqués. Notre objectif consiste alors à faire le point sur leur situation, et à nous assurer qu’ils rentrent chez eux en sécurité. Nous ne raccompagnons pas les personnes à leur domicile, mais nous contactons leurs amis ou un taxi, voire, si leur santé est dégradée, une ambulance. Nous apaisons également souvent des débuts de conflits, idéalement avant qu’ils tournent à la bagarre.
L’unité, qui fête bientôt ses 10 ans, sera potentiellement déployée également en journée. Qu’en pensez-vous?
Je trouve que c’est une excellente idée! Intervenir de jour nous permettrait de rencontrer d’autres publics, moins jeunes, moins festifs. La prévention est aussi importante pour le reste de la population, et nous pourrions étendre nos compétences pour aider les personnes âgées par exemple.