KAPITAL

Une distinction pour la ceinture médiatique

Lancée par des adolescents argoviens, PrimeCut a gagné le prix européen de la jeune entreprise. Elle transforme les vieux journaux en ceintures design.

La page de L’Hebdo où cet article a été imprimé pourrait bien trouver une seconde vie autour d’un pantalon. Des adolescents du gymnase de Wohlen (AG) ont en effet lancé un concept qui consiste à recycler des journaux pour en faire des ceintures.

Leur entreprise, PrimeCut, vient de gagner la semaine dernière le concours européen des jeunes entrepreneurs à Malte (le «Europe Company of the Year Award»). Le jury réunit des patrons ou des cadres de grandes organisations comme Bata, Danfoss, Morgan Stanley ou AmericanExpress, qui épluchent les business plans et évaluent la solidité de l’équipe et du concept.

«On s’est inspiré du succès des sacs Freitag fabriqués avec des bâches de camion usagées, raconte Flavio Hagenbuch, 18 ans, l’un des huit gymnasiens fondateurs de PrimeCut. Nous avons postulé et gagné à l’échelle suisse contre 16 entreprises. Il nous semblait donc logique d’aller plus loin, Nous avons mis au point un business plan et réuni 3000 francs parmi des amis et parents pour nous lancer.»

L’organisation YES! (Young Enterprise Switzerland) a offert son coaching à l’entreprise, comme elle le fait pour une quarantaine d’autres projets chaque année. Cette fondation, qui s’inspire d’un modèle anglo-saxon, fonctionne en partenariat avec les gymnases cantonaux. «Si leur école est membre de YES!, les élèves peuvent s’inscrire et soumettre leur projet gratuitement, explique Hans Möhr, président. Nous les conseillons et les aidons à monter leur structure. Les élèves peuvent aussi solliciter leur professeur de droit ou d’économie.»

Une trentaine de gymnases alémaniques sont membres de YES!, mais aucun en Suisse romande. «J’essaie de développer le réseau dans les autres régions linguistiques et je suis venu présenter notre concept plusieurs fois à Lausanne, poursuit Hans Möhr. Ce n’est pas facile, il y a toutes sortes de résistances culturelles et psychologiques…» Le budget annuel de YES! (350 000 francs) est entièrement financé par des fonds privés (sponsors, donateurs). Hans Möhr compte organiser une levée de fonds plus importante cet automne afin de développer son réseau.

Avant de se lancer, PrimeCut a monté un business plan très professionnel. A une échelle réduite, la petite unité fonctionne exactement comme une grande entreprise: elle étudie son marché, met au point son marketing, choisit ses fournisseurs, son mode de distribution, sa structure tarifaire… Rien n’est laissé au hasard, pas même le plan médias: tous les journaux de la région ont parlé de PrimeCut et ont fait connaître son produit. L’école est utilisée comme marché test: un panel d’élèves (les plus branchés) ont donné leur avis sur le look et les matériaux à choisir, les prix, ainsi que les campagnes de pub.

Pour sa ceinture, le client peut choisir parmi des journaux en allemand, espagnol, italien, français, anglais, chinois ou russe. Une série spéciale a été conçue pendant l’Eurofoot, reprenant des titres liés aux compétitions. Le film de plastique, qui assure la solidité de l’objet, est monté par une entreprise tierce.

Les ceintures sont vendues par internet sur www.primecut.ch. «Nous avons vendu 650 ceintures depuis le lancement de l’entreprise le 24 février, poursuit Flavio Hagenbuch. Il y a eu un pic pendant notre série spéciale sur le foot. La majorité des commandes viennent de Suisse alémanique. Les journaux les plus utilisés sont le Tages-Anzeiger et la NZZ, etc. Nous ne prenons pas le Blick car nous pensons que le résultat est meilleur avec des pages noir/blanc. Les publications en chinois et en russe ont aussi du succès: leurs caractères sont graphiquement cool.»

Les création et gestion de l’entreprise sont considérées comme des exercices scolaires. La société vise la rentabilité, à petite échelle, mais personne ne gagne d’argent et les étudiants ne sont pas salariés.

«Avec le petit bénéfice, nous avons organisé un grand dîner et on a bu des bières: il fallait célébrer dignement la victoire au concours!» En règle générale, l’activité cesse après un an car les étudiants doivent se consacrer à leurs examens.

«Nous devons réfléchir à un scénario de sortie, explique Hans Möhr. Avec les Technoparks, nous voulons faciliter la reprise de l’activité par une autre société. Si le produit est bon, c’est dommage de tout arrêter un an après.»

D’ailleurs, PrimeCut n’a pas l’intention de s’arrêter là. L’équipe veut développer son concept en sacs, porte-monnaie, etc. Plusieurs boutiques ont pris contact avec elle et commercialisent déjà les ceintures en Suisse et même à l’étranger. «Une boutique superbranchée vend nos ceintures à Reykjavík», s’enthousiasme Flavio Hagenbuch.

C’est la deuxième fois consécutive que de jeunes Suisses récoltent le prestigieux prix européen. L’an dernier, une école grisonne avait mis au point un dispositif en plastique permettant de porter facilement des skis sur le dos.

«Les étudiants suisses gagnent car ils sont travailleurs et soigneux, dit Hans Möhr. Par ailleurs, grâce au système scolaire et à la taille du pays, ils bénéficient d’un coaching plus personnalisé.»

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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du jeudi 5 août 2004.