Les torsions du marché de la presse régionale se poursuivent. Alors que «24 Heures» prépare l’absorption de ses anciens concurrents «La Presse Nord-Vaudois» et «Riviera-Chablais» sous une même enseigne, un acteur inattendu vient narguer Edipresse sur ses terres.
«Le Régional», distribué gratuitement dans l’Est-Lausannois et le Lavaux depuis bientôt dix ans, augmente massivement sa zone de diffusion et son tirage, qui passe de 30’000 à 90’000 exemplaires. De plus, sa périodicité double pour devenir hebdomadaire. «C’est un hasard si le lancement de notre nouvelle formule se synchronise avec l’annonce des plans de notre concurrent, dit Nina Brissot, rédactrice en chef. Nous travaillons sur ce projet depuis plus d’un an.»
«Le Régional» est resté un petit journal indépendant, «malgré des approches répétées de plusieurs grands éditeurs, dont Edipresse et Hersant», poursuit la rédactrice en chef. Monté par trois associés en 1995 avec des fonds privés, il vit de la publicité et du soutien de ses lecteurs, dont les contributions spontanées totaliseraient jusqu’à 10% des rentrées annuelles.
Actuellement, «Le Régional» réalise un chiffre d’affaires publicitaire annuel de 1 million de francs. «Notre objectif est de tripler ce chiffre en trois ans. C’est possible car, avec notre tirage augmenté, nous touchons désormais aussi des grands annonceurs nationaux, notamment automobiles. Les signes du marché sont positifs en ce sens, surtout pour l’année prochaine.» La publicité représente environ la moitié des 20 pages du journal. La page de pub couleur est vendue 10’600 francs.
Economiquement rentable jusqu’ici, «Le Régional» a augmenté de 150’000 francs son capital pour financer ce développement. Les trois fondateurs, dont la rédactrice en chef, détiennent l’essentiel des droits de vote au Conseil, et une poignée d’investisseurs privés se répartissent le reste du capital.
L’effectif a été augmenté et atteint désormais dix personnes: deux journalistes salariés qui font eux-mêmes les photos, quatre vendeurs de publicité commissionnés, deux metteurs en page, un poste pour le marketing et un autre pour l’administration. Le plus gros poste budgétaire est l’impression, confiée – ironiquement — aux IRL d’Edipresse.
Côté contenu, «Le Régional» entend privilégier les «enquêtes locales». «On veut susciter le débat, se rapprocher des gens et lutter contre la pensée unique, résume Serge Noyer, journaliste. Sur le terrain, nous bénéficions d’un immense capital de sympathie, de la part de la population comme des autorités, surtout depuis qu’Edipresse veut noyer La Presse-Riviera dans 24 Heures.»
Dans son dernier numéro, «Le Régional» publie une interview du juge Tenthorey, baptisé «shérif de la Riviera», qui livre sa version du meurtre du 8 mars à Vevey à la lumière d’un nouveau témoignage.
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 9 septembre 2004.