«Dans un mois, la température à Genève sera probablement plus chaude que d’habitude; la probabilité qu’elle dépasse d’au moins 4 degrés la moyenne saisonnière est de 60%».
Depuis qu’ils sont en mesure de délivrer des messages de ce type, les instituts de météo voient s’ouvrir devant eux un vaste marché, celui des prévisions climatiques à long terme. Qui veut connaître le temps qu’il fera dans un mois?
Les compagnies d’assurance, les agriculteurs, mais aussi les entreprises électriques et les vendeurs de boissons gazeuses commencent à entrevoir les avantages qu’ils pourraient retirer de ces bulletins météo d’un nouveau type.
«Le marché des prévisions à long terme va devenir très important dans les prochaines années, et la Suisse est bien placée pour y prendre sa place, dit Mathias Rotach, qui dirige le département de recherche et de développement de MétéoSuisse. Alors que d’autres pays travaillent dans ce domaine au niveau scientifique, en Suisse, nous essayons déjà d’en faire des produits.»
Pour établir des prévisions commercialisables, les scientifiques suisses utilisent des informations recueillies sur l’ensemble du globe. «Nous exploitons les données d’organisations communes telles que le European Centre for Medium-Range Weather Forecasts (ECMWF) à Reading, explique Sandro Buss, chercheur à MétéoSuisse. A partir de ces données, nous effectuons plusieurs simulations en parallèle, pour obtenir des prévisions probabilistiques.»
Le principe est bien rodé. «Nous recevons les données brutes, et nous les affinons de manière substantielle pour accroître leur valeur», résume Jacques Ambühl, chef du service de prévisions de MétéoSuisse. Ce processus permet à cet office fédéral — géré selon les principes du new public management — de développer une gamme de produits de les vendre.
MétéoSuisse finance avec cette approche commerciale près de la moitié de son budget de fonctionnement (environ 60 millions par an). L’essentiel des revenus proviennent encore des bulletins météo traditionnels, mais cela pourrait changer. Les conventions internationales ne prévoyant pas de limites territoriales pour la commercialisation des produits, on peut imaginer MétéoSuisse exportant ses bulletins mondiaux.
Depuis le début de l’année, l’office fédéral vend ses prévisions à long terme à Swiss Re, leader mondial de la réassurance. La succursale suisse de Coca Cola a également été approchée pour un projet pilote qui doit lui permettre d’optimiser sa gestion des stocks en fonction de prévisions climatiques à 30 jours.
«Nous avons notre propre service de marketing, et en matière de démarchage, nous ne sommes pas inactifs», lâche Jacques Ambühl, qui préfère rester discret sur sa stratégie.
Comment expliquer que la Suisse dispose d’une avance sur ses concurrents internationaux en matière de prévisions à long terme? «C’est essentiellement grâce au programme de recherche national NCCR Climate, auquel participent les universités, dit Mark Liniger, chercheur à MétéoSuisse. Le budget de 14 millions affecté pour quatre ans nous a permis d’affiner nos prévisions.»
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 23 septembre 2004.