Tous les nouveaux phénomènes relevés cette semaine: c’est l’hyper-revue de presse de Largeur.com.
Micro-communautés
Selon certains sociologues, le XXIe siècle ne serait qu’une accumulation de «foules solitaires».
Il est évident que les personnes qui tiennent ce genre de discours n’ont pas suivi le boom des réseaux sociaux et des micro-communautés, souvent nés sur internet mais pas nécessairement limités à l’interaction en ligne.
Inspirées par le phénomène «eBay croisé avec Napster, puis génétiquement modifié par Friendster», ces communautés se construisent sur l’échange de données, les enchères en ligne, le partage de catalogue et la socialisation.
L’anthropologue Cory Doctorow a comparé ces nouveaux réseaux à la construction d’une économie digitale. Ces «réseaux d’échanges sociaux» participent à la constante mutation d’internet en aidant leurs membres à vendre leurs objets personnels.
«Mediachest et SongBuddy sont deux exemples récents, explique Doctorow. Ils sont encore petits mais leur existence témoigne d’une nouvelle ère de transactions en réseau, une ère dans laquelle les échanges en ligne deviennent plus utiles.»
Dans le cas de ces deux groupes, les membres donnent accès à leurs collections de films, musique, jeux, etc., en utilisant des filtres tels que les liens démographiques, les locations géographiques et autres mots clés basés sur les intérêts divers.
Mais il ne s’agit pas de troc au sens juridiquement ambigu de Napster ou Kazaa, puisque l’objet original est échangé contre un autre et non dupliqué. Par conséquent, faire circuler les biens est souvent une expérience «off-line», les membres envoyant les objets par courrier ou se les échangeant de main propres, renforçant ainsi le lien social.
Toute une vie à louer
Au-delà des sites de rencontres ou de sous-location d’appartements, on voit apparaître sur internet toutes sortes de plate-forme d’échange qui fonctionnent comme autant de villages virtuels. On trouve même un service qui vient en aide aux pauvres femmes qui souffrent d’un manque chronique de sac à main.
Nommée Bag Borrow or Steal, l’entreprise propose divers accessoires à la location. Ses clientes sélectionnent un sac à emprunter, l’utilisent pendant une soirée, puis le renvoient.
Bien évidemment, les déclinaisons possibles inspirées de ce modèle sont infinies. On peut imaginer des services de location de chaussures, de chiots, de voitures vintage, etc.
Marketing de solidarité
On assiste aussi à une multiplication des sites de solidarité entre personnes victimes de dysfonctionnements alimentaires.
Une idée plutôt louable? Pas tant que ça quand on sait que ces sites encouragent une sous-communauté qui refuse nourriture, traitement et conseils médicaux.
Les anorexiques peuvent y acheter des bracelets à perles rouges, qui les aident à résister à leur faim aussitôt qu’ils les portent au poignet de la main avec laquelle ils ont l’habitude de manger.
Les professionnels de la santé craignent, on le comprend, que ces sites de réseaux sociaux basés sur une fierté aussi perverse accroissent le nombre de personnes qui finissent à l’hôpital. Ou pire.
Ce cas démontre à quel point le sentiment d’appartenance à un groupe peut primer sur la santé et le bien-être.
Mais on trouve aussi des versions beaucoup plus saines (et plus rentables) de ce genre de «marketing de solidarité». Prenez, par exemple, le bracelet jaune parrainé par Lance Armstrong. Lancé aux Etats-Unis pour récolter des fonds en faveur de la recherche contre le cancer, il est rapidement devenu l’accessoire de mode indispensable de l’année 2004.
Dans la foulée, la marque Nike a lancé un site promotionnel comprenant des témoignages de victimes du cancer, et AOL a encouragé ses clients à faire passer le message en incluant des icônes «portez du jaune» dans ses mailings.
Des accessoires qui symbolisent une cause aussi bien qu’une marque… On va sûrement voir apparaître d’autres campagnes de ce genre, où le commerce et l’humanitaire partagent les mêmes bracelets de l’amitié, au bénéfice de chacun.
Télé-réalité en Irak
Rien ne semble résister à l’engouement de la télé-réalité, pas même Bagdad. La journaliste Annia Ciezadlo, du Christian Science Monitor, a récemment publié un reportage sur une nouvelle émission spectaculaire consacrée à la reconstruction d’immeubles en Irak.
«Lors d’un épisode de 15 minutes, des vitres cassées sont reconstituées. Des murs détruits son refaits. Du mobilier fantaisiste et des tapis luxueux apparaissent sans crier gare dans les salons de familles pauvres. En six semaines, des maisons bombardées par les troupes américaines sont régénérées par le biais de ce show.»
Présentée par Shaima Emad Zubair — une jeune femme portant un rouge à lèvres couleur mandarine –, ce show surréel veut d’offrir des cadeaux aux habitants en compensation de ce qu’ils ont perdu.
«Le but principal n’est pas de reconstruire des maisons, mais de démontrer l’évolution psychologique des familles pendant la reconstruction», dit Ali Hanoon, directeur de l’émission.
Les cadeaux sont offerts par les téléspectateurs qui répondent à un message diffusé à la fin du programme. L’émission est si populaire que des imposteurs circulent dans les rues de Bagdad en disant récolter des dons pour les familles concernées, lesquelles sont devenues de véritables célébrités nationales.
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Après Genève et Amsterdam, l’écrivain Dominic Pettman vit désormais à New York, où il travaille en tant que «trend scout» pour diverses compagnies. Il collabore régulièrement à Largeur.com.
Il publiera le Téléscripteur chaque quinzaine, en alternance avec François Pilet.
