KAPITAL

Pourquoi H&M s’offre Karl Lagerfeld pour Noël

En pleine crise de croissance, la mode de Hennes & Mauritz peine à s’imposer sur le marché américain, malgré un marketing de grande classe. Histoire et analyse.

Pour les fêtes, H&M s’offre rien de moins que Karl Lagerfeld, le couturier au catogan de Chanel. Il a dessiné une quarantaine de pièces en noir et blanc à partir de 34,90 francs pour la marque suédoise. Avec en prime, une eau de toilette à son nom: «Liquid Karl».

Le tout sera mis en vente dès le 12 novembre, une date célébrée sur le cialis approved for benign prostatic hyperplasia du groupe. L’opération est d’ores et déjà un succès marketing. Tous les journaux en ont parlé, y compris Largeur.com aujourd’hui. Même la presse financière la plus austère s’est soudain penchée sur l’univers H&M.

C’est qu’il y a beaucoup d’argent en jeu. Le groupe suédois est un poids lourd du fast-fashion. Comme ses concurrents espagnols Zara et Mango, ou l’américain Gap, H&M propose des tenues vite achetées, vite délavées et vite jetées. Sur un marché très disputé, H&M affiche une croissance annuelle régulière de 10 à 15%. Des chiffres que peu d’entreprises parviennent à tenir.

Les coups publicitaires sont devenus une spécialité de la maison. Ainsi, cet automne, H&M a lancé une collection mère et fille, avec les mêmes jaquettes déclinées en taille 6 ans ou 38. Le service de presse souligne que cette manie d’assortir la tenue d’un enfant à celle des parents a été remise au goût du jour par Madonna ou Jade Jagger. Un gimmick également récupéré par le Comptoir des Cottonniers ou le très chic Burberry.

En 2003, c’était une collection H&M coordonnée pour jeune fille et petit chien qui faisait parler d’elle. Une tendance inspirée par certains people qui, comme Paris Hilton, posent volontiers en compagnie de leur teckel. C’est aussi une référence aux années 50, décidément très en vogue, lorsque Jackie Kennedy portait un manteau de couleur assortie à celui de son chien.

Entre 1994 et 2000, la marque suédoise a eu recours à des célébrités inhabituelles pour une telle marque: Pamela Anderson, Claudia Schiffer, Naomi Campbell… Mais aussi des personnages moins consensuels, comme l’icône du cinéma indépendant Chloe Sevigny ou encore Johnny Depp, Tim Roth et Benicio del Toro. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

«Nous utilisons maintenant des models moins connus qui peuvent apparaître en groupe et dans des mises en scène. Les photos les montrent par exemple au téléphone ou en maquillage en back stage d’un défilé de mode», explique Danielle Bryner, porte-parole de H&M Suisse.

Les collections H&M ne doivent rien au hasard. En Suède, le groupe emploie une centaine de designers qui voyagent et observent ce qui se passe dans la rue, dans les médias, au cinéma, en art ou dans la musique. Leur but: identifier les tendances, les motifs et les couleurs à venir. Avec le risque d’être trop en avance. Le style bohème lancé dès 2001 est ainsi arrivé trop tôt pour clientèle, selon Margareta von den Bosch, chef designer chez H&M, citée dans «Facts».

La croissance internationale de H&M suit un rythme effréné. Le groupe détient quelque mille magasins dans le monde, dans une vingtaine de pays. En Suisse, il y en a quarante-six. Dernièrement, H&M s’est tourné vers l’Europe de l’Est pour ouvrir des surfaces de vente en Slovénie et en Tchéquie. En Pologne, seize magasins sont planifiés d’ici 2005. Cette année encore en Allemagne, vingt enseignes doivent être inaugurées, dont une dizaine reprises au groupe Gap.

Mais du côté des Etats-Unis, il y a comme une ombre au tableau. En l’an 2000, H&M s’est installé à New York, avec un gigantesque navire amiral sur la cinquième Avenue. Mais les résultats tardent.

La direction tablait sur des affaires rentables dès 2002. Cela n’a pas été le cas. Il a fallu revoir à la baisse la taille des surfaces commerciales. Des magasins ont fermé, notamment à Chicago. Aux dernières nouvelles, H&M peine toujours à sortir ses affaires américaines des chiffres rouges. Même si la direction promet des bénéfices encore pour l’exercice en cours.

«Nous sommes allés trop vite, nous étions trop pressés. Sur un marché complètement neuf, il était primordial de s’assurer que le management américain ainsi que le personnel engagé soient les bons», confiait récemment Rolf Eriksen, directeur du groupe, à l’International Herald Tribune.

De nombreux analystes s’accordent à dire que le groupe suédois a sous-estimé la compétitivité du marché américain. Un marché où le géant Gap et ses filiales Banana Republic et Old Navy laissent peu de place dans le créneau d’une mode jeune à prix plancher.

Fondé en 1969 à San Francisco, le groupe Gap exploite aujourd’hui 3000 magasins entre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, la France et le Japon. Patron d’Apple et de Pixar, Steve Jobs a fait, en voisin californien, un passage à son conseil d’administration entre 1999 et 2002.

Mais cet automne, H&M poursuit néanmoins son offensive en ouvrant à New York une nouvelle enseigne à côté du célèbre magasin Bloomingdale’s, pour venir côtoyer ses concurrents Zara et Banana Republic. Et décidément audacieuse, la compagnie suédoise va débarquer cette année encore à San Francisco, dans le fief du groupe Gap.

Un long chemin depuis les débuts d’H&M en Suède en 1947, lorsque Erling Persson, le fondateur, baptise son affaire «Hennes», qui signifie «elle» en suédois. Puis il rachète le fabricant de fusil et de vêtements de chasse Mauritz et Widforss, dont il ne conserve que la confection pour homme. Hennes & Mauritz est né. La devise de l’entreprise dès ses origines: vendre beaucoup, vite et pas cher.

Stefan Persson, fils d’Erling et président actuel du groupe, passe pour l’homme le plus riche de Suède. Sa fortune est estimée à près de 9 milliards de dollars.

La Suède se distingue par l’un des taux d’imposition les plus hauts des pays de l’OCDE. Mais malgré cela, Stefan Persson y a maintenu son domicile, contrairement à son compatriote Ingvar «Ikea» Kamprad, qui s’est exilé en Suisse. Pour expliquer son choix, Stefan Persson déclarait, philosophe, au Financial Times: «Je n’ai jamais pensé déménager pour des raisons fiscales. Ce n’est pas ça qui peut vous rendre heureux.»