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eBay préfère la Suisse alémanique

Au niveau mondial, la compagnie vole de succès en succès. Mais, déception, les pages helvétiques ne sont pour l’instant qu’une annexe du site allemand. En attendant, les Romands se tournent vers Ricardo.

eBay, c’est la concrétisation des promesses les plus folles de la nouvelle économie. La fin de la bulle internet n’a pas eu raison de ses performances boursières. Et une croissance insolente a propulsé cette ancienne start-up parmi les poids lourds de l’économie mondiale.

Sur eBay, basé à San José en Californie, on peut tout vendre et tout acheter sur un marché virtuel global de 125 millions d’utilisateurs. Le principe est celui des enchères. On place la description de son grille-pain à vendre sur le site, avec un prix plancher. Puis les internautes ont un certain délai pour miser. Et le plus offrant l’emporte. L’application la plus élémentaire du principe de l’offre et de la demande.

Le plus surprenant, ce sont toutes les bizarreries qui trouvent preneur: l’autographe d’Arnold Schwarzenegger, des pin’s Coca-Cola millésimés, un képi de la gendarmerie française… Le site est le carrefour d’une foule de collections étranges. Dernière curiosité en date, un toast au fromage vieux de dix ans sur lequel s’est dessiné le visage de la Vierge lors de la cuisson. Cette page a reçu plus de 100’000 visites.

Dans un registre plus pragmatique, eBay est devenu l’un des plus gros vendeurs de voitures au monde. Le site se classe aussi parmi les grands distributeurs d’électronique et d’informatique. Un point de rencontre apprécié des professionnels. Des entreprises renommées s’en servent pour liquider discrètement des invendus.

Dès ses débuts en 1995, eBay a été une société rentable. L’entreprise se finance grâce à une taxe de quelques pourcents prélevée sur les transactions. Les utilisateurs fournissent eux-mêmes la marchandise. Pas besoin de surface de vente, ni de stock, pas plus que d’investissement de départ. Un concept génial.

La création de eBay appartient à la légende.

L’épouse de Pierre Omidyar est une collectionneuse assidue de distributeurs de bonbons Pez (à l’heure actuelle, elle en détient plus de quatre cents, apprend-on sur le site). Le couple pense alors à utiliser un internet encore balbutiant pour entrer en contact avec des gens animés par la même passion. Pierre Omidyar met au point une plate-forme qui devient vite un site d’enchères où tout est négociable.

Pierre Omidyar a maintenant 37 ans. Sa fortune est évaluée à 10 milliards de dollars. Très porté sur les projets philanthropiques, il passe depuis toujours pour un idéaliste.

La directrice d’eBay, Meg Whitman, est une autre figure mythique. Son salaire annuel frise les trois millions de dollars. C’est bien moins que les dix millions de dollars encaissés par le patron de Novartis Daniel Vasella. Mais en contrepartie, son paquet d’actions eBay vaut plus d’un milliard de dollars.

A 48 ans, elle a été désignée «executive woman» de l’année par le magazine Fortune. Lorsqu’elle prend ses fonctions en 1998, la compagnie compte une vingtaine de collaborateurs. Il y en a aujourd’hui 7’400 dans le monde.

Un rythme de croissance unique au monde, plus effréné encore que chez Microsoft et Dell. En sept ans, Meg Whitman a multiplié les revenus de sa compagnie par cinq cents. Les ventes sont passées de six millions à plus de trois milliards de dollars.

Son principal mérite: peut-être de n’avoir rien entrepris au moment où la planète financière perdait la tête. Les marchés boursiers à leur sommet provoquent des fusions en chaîne. A ce moment-là, Meg Whitman est en contact avec AOL. Mais le numéro un des services internet préfère alors s’allier à Time Warner, pour former un conglomérat aujourd’hui au bord de l’implosion. Et en négociations avec Yahoo, elle renonce à vendre sa compagnie sur une mauvaise impression, alors qu’il y avait une somme faramineuse en jeu.

eBay a commencé son expansion internationale en 1999. Et c’est en Suisse, à Berne, que la compagnie a installé son siège européen en 2003. Septante-cinq personnes y travaillent. La version helvétique du site a été lancée la même année.

L’équipe d’eBay Suisse est en bonne partie celle qui a développé la franchise allemande. Une opération lucrative: eBay recense en Allemagne 17 millions de visiteurs, après seulement quatre ans d’activité. Les utilisateurs de ce pays sont particulièrement dépensiers, ils achètent sur le site pour plus de 100 dollars par an. Pour eBay, il s’agit du marché le plus important or des Etats-Unis.

Ce statut de modèle explique sans doute que la version helvétique soit calquée sur celle de son grand voisin du nord. Résultat, la section helvétique est conçue comme une annexe. De nombreux liens renvoient directement aux pages allemandes. Tout ce qui touche à la communauté eBay – portraits de membres, forums de discussions – est alimenté par les utilisateurs d’outre-Rhin. Ceux-ci écrivent évidemment en bon allemand, alors que sur Internet, les alémaniques s’expriment volontiers en dialecte.

En Suisse, eBay a un concurrent, Ricardo.ch. D’après le directeur, Peter Oertlin, Ricardo détient 75% du marché, si on compare le nombre d’enchères présentes sur les deux sites. Un chiffre qui fait sourire Joachim Guentert, porte-parole de eBay Suisse. Celui-ci avance une autre donnée. Après quelques mois d’activité, la croissance des ventes atteint un nombre à trois chiffres. Il laisse entendre qu’à cette cadence, les rôles auront vite fait de s’inverser.

Présent en Suisse depuis 1999, Ricardo a l’avantage d’être arrivé le premier. A l’époque, la société s’appelait Auktion24. Elle a été renommé Ricardo.ch lorsqu’elle a rejoint, en l’an 2000, la compagnie QXLricardo, un groupe basé à Londres présent dans 13 pays. Ses utilisateurs sont essentiellement des privés.

Ricardo présente une version française de ses pages, ce qui n’est pas le cas de eBay. Et même si Joachim Guentert affirme qu’une version française est pour bientôt, cela n’a pas l’air prioritaire. Le porte-parole relève que les francophones peuvent toujours se tourner vers eBay France. Beaucoup auraient aussi l’habitude de se connecter à la version internationale, eBay.com. D’une franchise déconcertante, Joachim Guentert ajoute que l’Asie et surtout la Chine sont des enjeux autrement plus stratégiques que le marché romand. Bref, à part une rubrique «Swiss made» qui propose des articles de marques helvétiques en quatre langues (allemand, français, italien et anglais), le site doit privilégier la langue de Goethe quelques temps encore.

Pour s’ancrer dans le paysage suisse, eBay accumule les collaborations avec les institutions helvétiques. Il y a déjà un partenariat avec la Poste. eBay vient d’installer des «Meeting Points», lieu de rendez-vous entre clients et acheteurs, dans les gares CFF. Et l’Ecole-Club Migros propose dès cet automne un cours sur l’utilisation du site. Il est trop tôt pour avoir une idée de la fréquentation, selon les responsables. Joachim Guentert relève qu’en Allemagne, une offre similaire rencontre un grand succès. La formation est proposée dans la plupart des villes alémaniques, mais pas en Suisse romande.

Au début novembre, eBay a démontré son pouvoir fédérateur en réunissant plus de mille personnes pour sa première université suisse, organisée à Zurich. Beaucoup venaient pour apprendre à tirer un revenu substantiel de l’utilisation du site. En Suisse, on parle d’une centaine de vendeurs professionnels. Dans le monde, il y aurait près d’un demi-million de personnes qui gagnent leur vie grâce à eBay.