LATITUDES

Les renards sont parmi nous

Selon les estimations officielles, ils sont plus d’un millier à vivre à Zurich, à Lausanne ou à Genève. Aucune autre espèce sauvage ne s’est approchée des hommes comme «Vulpes vulpes» est en train de le faire.

Munie de ma souris, je traque les renards en pleine ville de Zürich. L’exposition Stadtfüchse (renards des villes) qui se tient au Musée zoologique de l’Université de Zürich (jusqu’au 21 août 2005), m’a transformée en chasseuse de goupils.

Ou dorment-ils donc alors que la cité s’active? La photo d’un quartier sous les yeux, une souris dans la main droite, j’ai pour mission de détecter six types différents de dortoirs pour renards. Je clique sur un buisson à quelques mètres du bac à sable d’un parc fréquenté par des mères et leurs enfants. J’ai visé juste. Recroquevillés, deux renards sont en train de roupiller.

Fière de mon flair, je me déplace d’une centaine de mètres et clique sur les panneaux de coffrage d’un chantier. En voici d’autres. Bien que très passant, l’endroit leur a plu. Seul l’animal solitaire installé sur le toit d’un cabanon de jardin aura été épargné par ma chasse. Munie d’une lampe de poche, je me livre ensuite à un safari nocturne dans divers autres quartiers de la ville, toujours sur les traces de ces discrets envahisseurs.

Le parcours de l’expo, ludique et didactique, est plaisant. Enfin, je tiens l’explication de la disparition de ma chaussure «Puma» qui séchait devant ma porte. Elle a de toute évidence été recyclée en jouets pour renardeaux. Idem pour l’écuelle du chat, qui disparaît souvent elle aussi.

Depuis l’éradication de la rage à la fin des années 90, on assiste en Europe à une augmentation vertigineuse de cette espèce au pouvoir d’adaptation exceptionnel. Plus de dix renards au kilomètre carré dans les villes suisses, contre quatre seulement dans la nature. Avec trente par kilomètre carré, Bristol détient actuellement le record. Autant dire que cette nouvelle invasion pourrait s’accroître et, qu’au retour d’une soirée, vous allez immanquablement rencontrer une fois ou l’autre ce canidé au long museau, pelage roux et blanc, oreilles pointues et queue bien fournie.

Les spécialistes estiment que la population actuelle pourrait en effet se multiplier encore par cinq. Lancé en 1995, «Das integrierte Fuchsprojekt» (IFP) suit de près cette évolution.

Fainéants, les renards ont trouvé en milieu urbain un environnement idéal. Composts, poubelles, jardins potagers, gamelles des chiens et des chats: la nourriture y est si facile d’accès… Quant aux innombrables caches, elles leur évitent d’avoir à creuser un terrier. C’est dire si la vie y est plus cool qu’à la campagne où ils doivent trotter toute la nuit en tendant l’oreille pour repérer de maigres rongeurs.

Dans «Le paysage animal. Une zoogéographie historique», Xavier de Planhol montre que l’homme ne met pas en péril les espèces animales. Bien au contraire. «L’homme a causé d’indéniables pertes aux espèces animales mais moins nombreuses qu’on l’a dit. Le paysage animal européen est aujourd’hui, sous l’effet des interventions humaines, infiniment plus varié que celui qu’avait construit la nature. Qu’on songe au rat musqué ou au ragondin, au raton laveur ou au cerf rika, au faisan ou au dindon: autant d’espèces qui sont devenues des hôtes familiers du Vieux Continent.»

Un constat qui diffère de celui que vient de dresser le Forum Biodiversité Suisse. Préoccupé par la disparition de nombreuses espèces animales, cet organe réunissant des spécialistes de la protection de l’environnement lance un cri d’alarme. S’agit-il de pures affabulations? Les politiciens ont pris la chose au sérieux d’où la création d’un groupe parlementaire pour la biodiversité.