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La TV alémanique joue la carte commerciale sans complexe

Emissions people, télé-réalité… La nouvelle directrice Ingrid Deltenre sort la grosse artillerie. Sa mission: rajeunir l’audience de la chaîne publique, dont la moyenne d’âge a chuté à 56 ans. Rien de tel en vue à la TSR.

C’est une révolution qui se prépare sur les écrans alémaniques. Dès Pâques, la chaîne publique SF DRS va mener une offensive ouvertement commerciale pour rajeunir son audience.

Il y aura un magazine people diffusé tous les jours de la semaine avant les informations; un jeu de télé-réalité, Traumjob, où des candidats braveront l’humiliation pour obtenir un poste à gros salaire chez Jürg Marquard, célèbre éditeur et jet-setteur helvétique; un nouveau quiz destiné au public familial; et toujours Deal or No Deal, un jeu conçu par la société de production hollandaise Endemol.

En attendant le printemps, les jeunes téléspectateurs continueront à se passionner pour la deuxième édition de MusicStar, le StarAc alémanique dont la grande finale aura lieu le 26 février. Avec des taux d’audience encore meilleurs que ceux de l’année dernière, l’impact médiatique de cette émission est énorme.

Les quotidiens régionaux font campagne pour les candidats issus de leur canton respectifs. Le magazine Schweizer Illustrierte a déjà consacré plusieurs suppléments à l’émission et chaque épisode déclenche une avalanche de commentaires dans la presse populaire, particulièrement dans le Blick et le quotidien gratuit 20 Minuten.

Presque aussi populaire, la série Gotthelf montre le quotidien d’une famille de cinq personnes qui affrontent les frimas dans un chalet à 1’000 mètres d’altitude, privé de tout confort moderne — selon le même principe que l’émission Le Mayen, diffusé par la TSR.

Bref, c’est un déluge de nouveaux divertissements people et de programmes de télé-réalité, le plus souvent adaptés de formats internationaux, qui déferle sur la chaîne publique. Ainsi en a décidé Ingrid Deltenre, 44 ans, la nouvelle directrice en place depuis un an.

Le cheveu blond coupé court et l’œil pétillant, cette professionnelle des médias ne semble pas connaître de sujet tabou. Elle s’en est abondamment expliquée dans la presse. Oui, les téléspectateurs de sont trop vieux. Oui, il faut faire de l’audience, sinon le gâteau publicitaire ira aux fenêtres helvétiques des chaînes privées allemandes. Oui, il faut exploiter de nouveaux modes de financement, en plus de la redevance et de la pub.

A son crédit, Ingrid Deltenre dispose d’un CV impressionnant. Licenciée de psychologie et pédagogie de l’Université de Zurich, elle se tourne vers les médias et devient la secrétaire générale de l’association faîtière Presse Suisse à l’âge 29 ans. Suivent des postes à responsabilité chez l’éditeur Ringier et chez Swisscard (Credit Suisse/American Express).

Puis elle dirige pendant quatre ans Publisuisse — la société qui gère les espaces publicitaires des télévisions et radios publiques — avant d’être nommée à la tête de la télévision alémanique. A la ville, son compagnon est Sacha Wigdorovits, un ancien rédacteur en chef du Blick devenu conseiller en communication (il a récemment co-signé avec André Dosé «Turbulences», un livre qui relate l’agonie de Swissair).

Avant son arrivée, la chaîne alémanique était dirigée par Peter Schellenberg, un intellectuel soixante-huitard, défenseur du service public avec une haute conception de la culture. Il est aujourd’hui le premier à critiquer le virage à 180 degrés opéré par la nouvelle directrice, à qui il reproche de faire de la «copie stupide des productions de bas étage des télévisions privées» ou encore «de la production commerciale de bas niveau».

D’autres commentateurs s’inquiètent de voir l’argent de la redevance servir à la production d’une émission people, sans rapport avec l’information et la culture. Urs Durrer, porte-parole de SF DRS répond: «Le mandat de la concession est explicitement de produire aussi des divertissements et des émissions sportives. Un divertissement de qualité, comme MusicStar, appartient pleinement au service public. Et nous travaillons à ce que le futur magazine people réponde au même critère de qualité.»

Ingrid Deltenre compte parmi ses défenseurs des personnalités comme Peter Rothenbuehler, rédacteur en chef du Matin: «Elle ne fait que rattraper le retard pris sous le règne de son prédécesseur, dit-il. Peter Schellenberg ne croyait pas à un renouveau de la télévision. Il pensait que tout avait déjà été inventé et il était très réticent aux nouveaux formats.»

Ingrid Deltenre affiche un rapport décomplexé à l’argent. Dans l’émission MusicStars, les appels et les SMS de vote pour les candidats sont fortement surtaxés. Lors de la première édition, cette surtaxe a rapporté quatre millions de francs à la chaîne. Sommé d’intervenir, l’Office fédéral de la communication a néanmoins jugé la pratique légale. Pour la directrice, c’est de l’argent bienvenu à consacrer aux nouvelles productions.

Mais SF DRS s’est fait taper sur les doigts par les autorités fédérales à une autre occasion. Partenaire de MusicStar, la société Universal (qui édite les disques de l’émission et verse une contribution comme sponsor) avait pu diffuser des publicités pour ses produits en cours d’émission. L’OFCOM a contesté ce rapport de sponsoring et a exigé que les annonces payées d’Universal figurent dans le bloc publicitaire.

Pour Ingrid Deltenre, l’impératif est maintenant de conquérir les 17-25 ans, qui sont surtout des fans des chaînes allemandes privées Pro 7 et RTL. L’âge moyen des téléspectateurs de SF DRS a chuté à 56 ans pour le premier canal et à 46 ans pour le second.

Et en Suisse romande? Le téléspectateur de la TSR est âgé de 52 ans en moyenne. Selon Peter Rothenbuehler, «la chaîne est dans une situation similaire à celle de SFDRS. Il lui faut rajeunir son public. Elle devra s’engager dans le même processus de commercialisation que la chaîne alémanique: c’est inévitable.»

Mais Gilles Marchand, directeur de la TSR, est d’un autre avis. «SF DRS souhaite rajeunir son audience de quelques années et se rapprocher des 50 ans, une tranche d’âge où se situe déjà la TSR», dit-il.

«Pour une télévision généraliste qui vise plus de 30% de marché, le problème n’est pas d’avoir une audience jeune mais que le public se renouvelle, avec l’arrivée de nouveaux téléspectateurs malgré l’explosion de l’offre des chaînes thématiques, câble et satellite, poursuit Gilles Marchand. Et regardez la structure démographique en Suisse romande. Les 15-25 n’y sont pas vraiment sur-représentés! Les chaînes qui visent prioritairement le jeune public sont à moins 10% d’audience et vivent de recettes commerciales.»

La TSR n’envisage donc pas de programmer de magazine people en access prime time. Elle continuera à diffuser des jeux avant les informations, mais il y a un point sur lequel tout le monde est d’accord: le service public ne franchira pas certaines limites.

«La télé-réalité est une notion galvaudée, dit Gilles Marchand. Le Mayen et le Pire Conducteur ou les docusoaps sont des formats parfaitement acceptables. La TSR continuera certainement à en proposer. Mais s’il s’agit de faire ingérer des asticots aux candidats d’un jeu de survie, alors non, la TSR choisira d’autres recettes.»

Côté alémanique, le porte-parole Urs Durrer ne dit pas vraiment autre chose quand il précise qu’«il n’y aura jamais sur SF DRS de Big Brother, ni d’émission où on filme vingt-quatre heures sur vingt-quatre, au mépris de la sphère privée des participants.»

Mais pourquoi la TSR se refuse-t-elle à programmer une émission du type MusicStar? «Ce sont des programmes qui coûtent très cher si on veut obtenir un minimum de qualité, dit Thierry Ventouras, directeur du secteur Variétés. En Suisse alémanique, le programme est en dialecte et souffre moins de la concurrence avec les chaînes étrangères que nous. Sur la TSR, nous devons pouvoir soutenir la comparaison avec StarAcademy, sur TF1, Popstars et la Nouvelle Star sur M6.»

Cependant, sur la TSR aussi, les moyens alloués aux divertissements sont en augmentation, souligne Thierry Ventouras. «Il y aura davantage d’éditions des Coups de Cœur d’Alain Morisod.» Une émission qui bat des records d’audience. Mais pas vraiment chez les jeunes.