LATITUDES

L’autodiagnostic jusqu’au délire

Grâce aux nombreux tests vendus en pharmacie, vous êtes désormais en mesure de dépister quantité de maladies qui pourraient vous avoir affecté. Est-ce grave, docteur?

Hippocrate recommandait aux médecins de «cacher la plupart des choses au patient pendant qu’on s’occupe de lui, sans dire un mot de son état présent ou futur. Car à cause de cela, nombreux sont les patients dont l’état a empiré». Pendant deux mille ans, ce point de vue n’a guère évolué.

Jusqu’au milieu des années soixante, les médecins se sont opposés à ce que les patients aient le droit de connaître leur diagnostic. Aujourd’hui, au contraire, de plus en plus de personnes malades s’adressent aux praticiens pour leur demander de confirmer un diagnostic qu’ils ont eux-mêmes posé.

Un changement imputable aux innombrables sites médicaux en ligne (ils sont parmi les plus visités du Net) et aux avancées technologiques. En pharmacie, des tests de dépistage en tout genre excitent l’hypocondriaque qui sommeille en nous. De véritables check-up personnels et instantanés.

Ces tests à domicile ou «home tests» se font sans l’intervention d’un membre du corps médical.

On connaissait déjà les tests destinés à identifier un état ou à surveiller un traitement (test de grossesse, de glycémie, des infections à papillomavirus ou à streptocoques, auto mesure de la tension artérielle, etc.).

Voici qu’arrivent des tests qui permettent de diagnostiquer des maladies ou de prédire les risques de les développer. Parmi ceux-ci, déjà sur le marché ou en passe de l’être, citons les tests de dépistage du sida, de l’infarctus, de divers cancers (colorectal, de la prostate, de la vessie) et de multiples maladies génétiques.

Les tests génétiques arrivent en masse sur le marché. A ce jour, ils couvrent environ 10% des maladies génétiques connues. C’est dire l’avenir qu’ils se réservent. Qui n’a pas au moins une prédisposition importante à quelque pathologie? Céderons-nous à la tentation de nous tester de A à Z?

Les risques liés à ces examens diagnostiques ne sont pas tant physiques que psychologiques. Les résultats peuvent affecter gravement la vie de la personne concernée et celle de son entourage, sans parler des conséquences sur l’assurabilité des sujets et leurs ordering cialis online legal. A quoi bon se savoir porteur du gène de la maladie de Huntington, cette terrible maladie neurodégénérative incurable?

Pour ce qui est du risque cardio-vasculaire ou syndrome métabolique, qui touche 20% de la population, il existe certes de nombreux tests vendus en pharmacie pour le détecter. Qui sait qu’un simple centimètre nous renseignera à moindre frais?

Une étude portant sur le tour de taille de 10’000 personnes vient en effet de le démontrer .

Au-delà de 102 cm chez l’homme et de 88 cm chez la femme, il y a risque. Des mesures thérapeutiques doivent être prises. Quantité de médicaments vous seront proposés, tous plus miraculeux les uns que les autres, alors qu’une vie moins sédentaire et une alimentation plus équilibrée s’avèrent aussi efficaces, voire davantage.

Se soucier de sa santé, en devenir l’acteur principal est évidemment bénéfique. Un bénéfice qui ne devrait cependant pas enrichir les seules entreprises titillant notre tendance à l’hypocondrie.

R.Tinsley Harrison, auteur d’un des manuels les plus lus par les étudiants en médecine décriait, en 1944, cette «tendance contemporaine qui consiste à étudier les cinq dernières minutes de la maladie puis à réaliser une batterie de tests sur une période de cinq jours dans l’espoir que le diagnostic sortira du laboratoire comme un lapin du chapeau». Notre approche de la maladie a-t-elle vraiment changé depuis?