KAPITAL

Cinq ans après, les affaires reprennent

Une nouvelle génération d’entrepreneurs se développe sur internet. Mais quelles sont les dot-com version 2005 qui suscitent l’intérêt des investisseurs?

Le web reprend des couleurs. Dopée par une foison de progrès technologiques, la nouvelle économie fait à nouveau rêver les entrepreneurs.

C’est que l’effondrement boursier, au printemps 2000, avait plongé cette industrie dans une période glaciaire. Les dot-com étaient alors accusées de tous les maux et les investisseurs avaient déserté le secteur.

Mais cinq ans plus tard, les affaires reprennent. L’hebdomadaire américain Newseek constate le retour en force de Silicon Valley, cette région mythique qui passe pour le berceau de la nouvelle économie. «Le trafic se densifie à nouveau sur la célèbre route 101. A Palo Alto et Menlo Park, il y a de nouveau des queues devant les restaurants à midi», écrit Newsweek.

Entre 2000 et 2004, la Bay Area autour de San Francisco n’avait pas cessé de perdre des emplois.

Le retournement de tendance remonte au printemps dernier, rapporte le magazine américain Business 2.0. En avril 2005, la région affichait un gain de 8’000 postes. Le nombre d’emplois y est maintenant identique à celui de 1995, avant la surchauffe.

Un retour à la case départ?

«Non, car le stade de l’expérimentation est maintenant derrière nous», répond Arnaud Dufour, auteur du premier livre de la collection «Que sais-je?» consacré à internet, et aujourd’hui chargé de cours à l’Université de Lausanne.

«Les internautes, les milieux médiatiques et financiers sont entrés dans une phase de réalisme, avec le recul nécessaire pour analyser les potentialités du Net. Au-delà des fantasmes positifs et négatifs des débuts, ce qu’il y a de concret, c’est que l’influence du réseau n’a jamais cesser de s’étendre. Avec aujourd’hui un milliard d’utilisateurs, le web s’impose comme un outil majeur de communication.»

Comme autant de jalons, les sites de eBay et Amazon affichent une santé insolente. Et bien sûr, le phénomène Google est passé par là. Le 18 août 2004, le moteur de recherche le plus utilisé au monde réussissait une entrée en bourse fracassante. On se croyait aux meilleurs jours de la bulle internet. L’opération a fait trois milliardaires en dollars et une escouade de nouveaux millionnaires. De quoi redonner un peu de crédibilité financière au secteur.

Et les sociétés de capital-risque américaines sortent de leur léthargie. Vingt milliards de dollars ont été distribués en 2004: c’est 15% de plus qu’en 2003, selon différents bureaux de consultants.

Mais attention, les sommes allouées restent désespérément raisonnables: il n’est plus possible de calciner 130 millions de dollars sur la simple promesse de vendre des vêtements à la mode sur internet, comme le fit à l’époque Boo.com. Une start-up qui a sombré corps et bien sans avoir jamais fonctionné.

Les secteurs les plus chauds pour les investisseurs sont liés à la communication de données sans fil — dont notamment le Wi-Fi — et au transport de la voix sur le réseau.

L’objectif des entrepreneurs n’est plus de gagner des milliards de dollars lors d’une entrée en bourse. Certes, la réussite de Google fait rêver, mais les professionnels du Net sont redescendus sur Terre. Le plus intéressant est de mettre au point une solution novatrice dans une niche du marché. Et de revendre la société à des géants de la branche comme Yahoo ou eBay, toujours à la recherche de perles rares.

«En Suisse comme aux Etats-Unis, il y a toujours des start-ups, mais elles doivent être plus solides, voire immédiatement rentables, poursuit Arnaud Dufour. Le financement et l’innovation qui avaient été focalisés sur internet se déploient maintenant aussi vers les biotechnologies ou le high-tech. La bulle a marqué les esprits et chacun en redoute une nouvelle, même à petite échelle, comme par exemple cela pourrait se passer avec les titres Google.»

Avec des logiciels qui accélèrent et sécurisent le téléchargement de films par exemple, la firme américaine Akamai suscite des attentes importantes. Elle table sur une progression de 57% de ses bénéfices pour cette année.

Quant à la compagnie américaine cialis shipped from us, elle propose des solutions qui assurent la sécurité des transactions sur internet. Elle surfe sur la croissance jamais démentie du commerce en ligne.

Le succès des blogs (journaux et sites d’information personnels interactifs) a généré un nouveau marché. Pyra Labs est un pionnier en la matière. Fondée en 1999 à San Francisco par trois jeunes internautes, la société connaît des débuts confidentiels et ne tire aucun profit des sommets de la bulle. Mais quatre ans plus tard, elle compte un million d’utilisateurs. Puis, c’est le jackpot: Google rachète en 2003 la compagnie à ses fondateurs incrédules.

Autre exemple éloquent: la compagnie Flickr, basée à Vancouver, permet, comme d’autres, à des groupes d’organiser des photos sur internet. Ce que Flickr offre en plus, c’est le tagging, une technologie qui rassemble les photos par mot-clé.

Les utilisateurs peuvent alors entrer en contact les uns avec les autres sur la base de leurs images. L’adresse a réuni plus de trois millions d’internautes en douze mois. Début 2005, Yahoo a acheté Flickr pour un montant qui s’élève d’après la rumeur à 35 millions de dollars.

Les mouvements se multiplient. En mars dernier, InterActiveCorp (IAC), un conglomérat qui réunit des sites, dont notamment le leader du voyage Expedia, a repris le moteur de recherche AskJeeves pour près de… deux milliards de dollars.

Dans la presse, la société Dow Jones, qui édite notamment le Wall Street Journal, a racheté le site d’informations financières Market Street pour 520 millions de dollars. Quant au New York Times, il s’est offert le site d’information About.com pour 410 millions de dollars. Tandis que le Washington Post rachetait à Microsoft le magazine en ligne Slate.com pour quelque 20 millions de dollars.

En Suisse, on constate aussi un regain d’intérêt pour internet chez les éditeurs. Le groupe romand Edipresse a pris récemment des participations dans trois sites d’annonces, Homegate.ch, Jobup.ch et Swissfriends.ch.

«Il fallait attendre que les entreprises actives sur internet fassent leurs preuves, relève Philippe Gindret, directeur commercial chez Edipresse. Il y a aussi eu de leur part une prise de conscience de leur valeur effective, après une période où les prix étaient montés à des niveaux insensés. Le marché semble maintenant à maturité.»

La démarche d’Edipresse est de trouver des partenariats qui permettent de publier les annonces à la fois sur un support papier et sur le Web. «Cette stratégie est une réponse à la migration des annonces vers le Net», indique Philippe Gindret.

Un discours qui rappelle celui que tenaient les éditeurs au plus fort de la bulle spéculative..