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Plaidoyer pour la démolition d’Expo.01

Il n’est pas trop tard pour faire exploser le projet d’exposition nationale dans un gigantesque feu d’artifice. L’argent dépensé jusqu’ici ne représente qu’un minuscule tronçon d’autoroute.

La situation n’est pas si grave. La Suisse aura au moins eu le mérite d’essayer. Tous les moyens auront été mis en œuvre pour organiser une grande exposition nationale mais finalement, dans un sursaut de bon sens, le pays aura renoncé. Ce n’est pas si grave.

Le but était d’organiser une grande fête, alors allons-y! Organisons un grand feu de joie le 1er août 2001, brûlons le projet dans une fabuleuse «demolition party», abandonnons cette Expo.01 qui embarrasse tout le monde et admettons une fois pour toutes que la Suisse s’est trompée.

Admettons que les Romands n’ont pas été à la hauteur. Et admettons que c’est Jean-Pascal Delamuraz qui a commis la première erreur, en janvier 1995, en défendant la fade proposition neuchâteloise contre celle, beaucoup plus enthousiasmante, du canton de Genève. L’erreur est humaine, elle est aussi fédérale.

Personne n’a jamais compris le but de ce projet neuchâtelois: aucun contenu, aucun fil conducteur, aucun message. Tous les efforts déployés depuis ont été vains. On ne sait toujours pas ce que sera l’expo. Les organisateurs essayent de se défendre en répétant que la manifestation se contentera de «poser des questions» et que «chaque visiteur apportera ses réponses». Un peu comme ces artistes amateurs qui s’autoproclament conceptuels en dissimulant leur manque d’inspiration derrière un questionnement sans queue ni tête.

Tous les problèmes de l’expo découlent de cet absence de contenu. Les sponsors ne comprennent pas ce qu’on veut leur vendre, les citoyens n’arrivent pas à s’enthousiasmer et le personnel politique regarde ses souliers.

On n’en serait pas là si la proposition genevoise d’organiser une manifestion sur le thème du cerveau avait été retenue. La science, le futur, le mystère de la pensée, le fonctionnement des synapses: voilà qui aurait fait une exposition nationale stimulante et exportable. Au lieu de cela, on se retrouve avec un projet vide, mal géré, invendable et d’un ennui mortel. Le moment est venu de reconnaître cet échec.

L’Expo.01 représente tout ce que la Suisse ne veut pas devenir: fade, laborieuse, incompétente, peu attrayante, maladroite, ennuyeuse, floue, prétentieuse, peine-à-jouir, lente et compliquée.

Mais la situation n’est pas désespérée. Les 140 millions de francs qui ont déjà été dépensés pour l’expo ne représentent qu’un minuscule tronçon d’autoroute. Il n’est pas trop tard pour tout envoyer valser. Face à la débâcle de ce projet national, la seule sortie honorable serait de démolir l’Expo.01 dans un grand éclat de rire. Admettre que les Suisses n’ont pas beaucoup d’imagination quand il s’agit de raconter leur pays, admettre que les Romands ne sont pas des experts en gestion et organiser une explosion libératrice pour marquer la mort d’Expo.01.

L’événement aurait lieu au milieu du lac de Neuchâtel. L’ensemble des documents de travail, les contrats de sponsoring, les morceaux d’arteplage et les navettes Iris seraient flambées (de manière écologique) sur des pilotis, pendant plusieurs semaines. Les citoyens des trois régions linguistiques seraient invités à assister à ce spectacle jubilatoire depuis les rives où l’on grillerait des saucisses. Cette cérémonie expiatoire dirigée par Francis Matthey pourrait s’appeler «Le feu au lac». On danserait sous des lampions sponsorisés par la Coop et la fête serait retransmise par les satellites d’Idée Suisse. Excitant, non?