KAPITAL

Swissquote s’invite dans la gestion d’actifs

La première banque en ligne de Suisse met à disposition de ses clients plusieurs instruments permettant de gérer eux-mêmes leurs avoirs. Elle envisage à terme la mise sur pied d’une équipe de gestion.

Les banques en ligne anglo-saxonnes commencent à se lancer avec succès dans le secteur particulièrement rentable de la gestion de fortune. Swissquote, premier établissement suisse de ce type, compte également investir le créneau en développant des outils informatiques spécialisés.

«Nous proposons déjà des systèmes qui indiquent au client les probabilités de pertes et de gains maximaux sur un laps de temps donné, explique Marc Bürki, CEO de Swissquote. Il ne s’agit là que d’un support, la décision finale appartenant au client. Mais dès l’année prochaine, nous proposerons une trentaine de portefeuilles de référence où la gestion sera automatique, une fois les termes de prise de risque définis. Cet outil s’adressera aux personnes n’ayant pas le temps de gérer leur fortune et désirant déléguer la tâche.»

Aujourd’hui, l’exécution de transactions financières via Internet ne pose plus problème. Il est en effet possible et facile d’acheter et de vendre des produits financiers sur toutes les bourses du monde. Par contre, l’univers d’investissement est devenu gigantesque: il existe à l’heure actuelle plus de 146’000 produits financiers disponibles en ligne. Afin de ne pas passer à côté de perspectives de gains, le recours à l’informatique devient indispensable, à moins de restreindre volontairement son champ d’action.

Pour traiter au mieux ce torrent d’informations, Swissquote a mis sur pied une équipe de physiciens et de mathématiciens chargés d’élaborer des logiciels de calcul adaptés à chaque portefeuille. Mais les informations brutes ne suffisent pas. Encore faut-il les mettre en perspective et les vulgariser afin de les rendre accessibles à la clientèle.

«Le système permettra de gérer les portefeuilles de façon systématique selon des algorithmes préalablement définis, explique Marc Bürki. Mais il faudra toujours un gestionnaire pour interpréter en langage financier les données ainsi récoltées.» En d’autres termes, pour que la gestion de fortune on-line soit véritablement efficace, une équipe de gestionnaires compétents reste indispensable et doit être mise en place.

Les machines algorithmiques répondent à l’évolution des marchés financiers. Depuis l’essor d’Internet, l’information est devenue beaucoup plus large et accessible. En outre, les modalités de transaction se sont simplifiées. L’étape suivante consistera donc à mettre au point des outils de gestion appropriés afin de gérer au mieux les données dans ce nouveau contexte.

Malgré ses nouveaux services, Swissquote ne concurrencera pas directement les banques privées traditionnelles: «Nous ne proposons pas le même service, explique Marc Bürki. Avec les rendez-vous physiques et les services complémentaires haut de gamme qu’elles proposent dans le cadre de mandats discrétionnaires, elles s’adressent à un autre type de clientèle, majoritairement off-shore.»

Les établissements privés ne semblent pas d’ailleurs pas trop s’inquiéter de cette expansion de Swissquote. «Nous n’avons pas le même public cible que les banques on-line, confirme Hertha Baumann, porte-parole de la banque Mirabaud & Cie. Chez nous, la composante relationnelle avec le client et sa famille est primordiale. Il y a des finesses que l’on ne ressent que dans les relations personnelles.» N’ayant reçu aucune demande dans ce sens, la banque n’offre pas de services en ligne à sa clientèle.

Chez Bordier & Cie, les gestionnaires utilisent diverses technologies, telles que des logiciels de calcul et des simulateurs d’allocation d’actifs. Mais sans les mettre à disposition en ligne. «Nos clients attendent de nous un suivi personnalisé et des conseils, et pas uniquement la mise à disposition d’une plate-forme», explique Radan Statkow, responsable du business development.

Alors que la clientèle fortunée semble rester dans le giron des banques traditionnelles, Swissquote attire une autre catégorie de la population, présentant un fort potentiel: celle de la génération Internet, qui a pris l’habitude d’utiliser le télébanking et qui privilégie l’efficacité plutôt qu’une relation formelle avec un banquier.

«Acheter une action en trois clics de souris a constitué une véritable révolution, impensable il y a encore dix ans, détaille le patron de Swissquote. Le défi auquel nous sommes confrontés aujourd’hui est d’organiser la masse gigantesque d’informations, ainsi que le dialogue avec la clientèle. C’est là que se situent les perspectives futures de croissance pour les banques en ligne.»

Lancée en 1997, Swissquote, qui se définit comme le «low-cost de la finance», compte aujourd’hui plus de 46’000 clients. Sa croissance est forte. Comparé à la même période de l’exercice précédent, les neufs premiers mois de 2005 affichent une forte progression des revenus, qui s’élèvent à 32,6 millions de francs (+24%). Le bénéfice net a été multiplié par deux à 9,3 millions de francs. La masse sous dépôt se monte à 2,6 milliards de francs (+37,8%).

L’établissement basé à Gland cultive sa relation avec la clientèle sans contact direct. Il n’offre pas l’ensemble des services des banques classiques, tel qu’un service de trafic des paiements, trop coûteux à développer pour une faible marge. Par conséquent, les clients n’y transfèrent pas toutes leurs affaires mais l’utilise comme «deuxième banque»: ils reçoivent leur salaire sur un compte classique et n’utilisent Swissquote que pour les placements.

Les trois fondateurs, Paolo Buzzi, Iller Rizzo et Marc Bürki, ont commencé par développer des logiciels de visualisation financière qui permettent aux banquiers de consulter leurs transactions et l’évolution des cours depuis leur PC. Très vite, la plate-forme se développe et devient une référence pour les investissements privés, grâce à sa simplicité d’usage et à ses performances.

Diplômés de l’EPFL, aucun des fondateurs de Swissquote n’a de formation financière. Le secret du succès de la société résulte d’un constat simple: le consommateur joue un rôle de plus en plus grand dans la finition des produits ou des services modernes. Marc Bürki et ses compagnons ont compris cette rupture en cours dans la chaîne de la production de valeur et ont été les premiers en Suisse à la transposer dans le monde de la finance.

Mais ils furent rapidement suivis. A l’époque du boom de la nouvelle économie, les grands établissements bancaires suisses ont investi des millions pour lancer des plateformes Internet. Mais contrairement a Swissquote, les structures crées étaient trop lourdes et complexes pour proposer des tarifs low-cost. Elles ont eu plus de mal pour s’imposer et devenir rentables.

Membre de l’Association suisse des banques depuis 2003, Swissquote emploie aujourd’hui 110 personnes. L’entité appartient à 51% à Swissquote Group et à 49% au groupe Zurich, géant de l’assurance et des services financiers.

——-
Une version de cet article est parue dans PME Magazine de février.