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A la recherche du père biologique

«La première fois que nous nous sommes téléphonées, j’étais très mal à l’aise. Puis j’ai réalisé que nous étions des sœurs et que c’était vraiment cool», explique Danielle Pagano, une Américaine de 16 ans.

Il y a trois ans, lorsque ses parents lui ont appris la vérité sur sa conception par insémination artificielle, elle fut passablement désespérée d’ignorer une partie de ses racines. Et puis elle s’est consolée en découvrant qu’elle partageait son père biologique avec JoEllen Marsh, une jeune fille de 15 ans.

Répertorié comme «donneur 150», leur père biologique a donné son sperme à la «California Cryobank». Grâce au Donor Sibling Registry, accessible sur le Net, ces deux demi sœurs ont pu se retrouver. Elles appartiennent à un nouveau type de modèle familial composé d’enfants nés d’un même donneur anonyme de sperme qui tentent de se retrouver. Des démarches grandement facilitées par l’usage d’internet.

Wendy Kramer, la fondatrice, il y a cinq ans, du premier site consacré à de telles recherches, en a eu l’idée suite au vécu de son fils Ryan né précisément par procréation artificielle. Devenu adolescent, il a accepté l’idée de ne jamais connaître l’identité de son père mais s’est montré bien déterminé à savoir, en revanche, s’il partageait des frères et sœurs fruits du même donneur.

Dans le monde, il se trouve des milliers de Ryan. Le site créé par sa mère pour l’aider dans ses démarches a, depuis, fait des petits. Aux Etats-Unis (où l’anonymat des donneurs est garanti, alors que dans plusieurs pays européens, la loi permet leur traçabilité), la seule information concernant le père génétique se résume au numéro donné par la banque du sperme. Dans le cas de Ryan, il s’agissait du donneur 1058 qui a permis huit naissances.

Jusqu’à présent, seule une mère de deux de ses deux sœurs l’a contacté en lui disant qu’elle n’apprendrait jamais à ses filles que leur père n’était pas leur concepteur. Ryan ne désespère pas de retrouver ses cinq autres frères et sœurs biologiques.

Selon Wendy Kramer, parmi les 7000 personnes enregistrées par ses soins, 1500 sont déjà parvenues à «élargir» leur famille. Le record d’élargissement a réuni douze mères et leurs seize enfants conçus par «Fairfax Donor 647».

Si, aux Etats-Unis, connaître ses demi-frères et sœurs motive les recherches du père biologique, en Suisse romande s’ajoute à cette curiosité la crainte d’éventuels mariages consanguins. Un psychiatre lausannois confirme qu’il a suivi des patients obnubilés par l’éventualité de tomber amoureux d’un demi frère ou d’une demi sœur dans un réservoir de population restreint.

En Suisse, la Loi sur la procréation médicalement assistée, la LPMA (art 27), en vigueur depuis le 1er janvier 2001, spécifie que l’enfant à sa majorité peut connaître, s’il le désire, l’identité du donneur. Toutefois, le recours en paternité contre le donneur est exclu. Le père légal de l’enfant est l’époux de sa mère (art 23).

Cela signifie que l’enfant n’a aucun droit vis-à-vis du donneur et que ce dernier n’a aucun devoir vis-à-vis de l’enfant. Le donneur ne peut connaître l’identité des couples bénéficiant de ses dons et vice-versa. Il faut savoir qu’en Europe, la législation de plusieurs pays est en train de changer et va dans le même sens que la loi Suisse (c’est le cas en Angleterre et en Hollande).

Tous ceux que l’on a appelé un temps les «bébés éprouvette» (Louise Brown, le premier d’entre eux, est née en 1978) redéfinissent aujourd’hui les liens familiaux.

En 2000, dans un article consacré aux mutations familiales, nous constations que le mot «famille» ne veut plus dire grand-chose, à moins d’y ajouter un qualificatif qui en précise la structure.

«Les familles contemporaines se déclinent en une large palette: famille traditionnelle (on en trouve encore), nucléaire, monoparentale, biparentale, élargie, éclatée, recomposée, homoparentale, adoptive.» Il convient d’y ajouter les «familles biologiques».