KAPITAL

Les entreprises se soucient d’esthétique olfactive

«Le marketing olfactif», ouvrage de 400 pages paru récemment, s’intéresse au nez des consommateurs. Geneviève Grimm-Gobat l’a lu.

On connaissait l’existence de ce spray utilisé par les vendeurs de voitures d’occasion. Un parfum de moleskine neuve vaporisé dans l’habitacle, psscchht, et le client a l’impression d’acheter une bagnole qui n’a jamais servi. Cela s’appelle le marketing olfactif.

Largement utilisée dans l’industrie alimentaire, dans la cosmétique et chez les lessiviers, cette technique se répand aujourd’hui dans les secteurs les plus inattendus. Un ouvrage paru récemment («Le marketing olfactif», éd. Presses du Management) recense les différentes manières de mener le client par le bout du nez.

L’acte d’achat, on le sait, a cessé d’être considéré comme un geste rationnel. Le consommateur est désormais un «être polysensoriel» qui appréhende les produits avec l’ensemble de ses cinq sens. Il s’agit donc, pour les responsables de marketing, d’accroître le plaisir du client en créant des articles agréables à l’œil, à l’oreille et au toucher, des produits savoureux et qui sentent bon.

Longtemps négligées, les senteurs permettent d’ouvrir «un nouvel espace de créativité pour le marketing», estiment les auteurs de l’ouvrage. Au fil des 400 pages de cette «bible commerciale, juridique et créative du parfum et des odeurs», on apprend que la création olfactive a déjà donné naissance à des produits aussi étonnants que la lingerie parfumée, le fil à pêche au parfum de vanille, les sacs poubelles à l’odeur qui fait fuir les chiens et la maison senteur pain d’épices de Disneyland Paris.

Juristes, créateurs ou chercheurs en marketing, les auteurs considèrent l’olfaction comme le sens phare de cette fin de siècle. Si les années 1950-60 furent marquées par le rôle de la couleur, les années 1960-70 par l’influence du son et les années 1970-80 par le rôle du goût, c’est l’odeur qui prend de l’importance depuis la décennie 80.

Longtemps limitées à l’individu (l’homme et la femme se parfument depuis la nuit des temps), les senteurs dépassent aujourd’hui la personne pour habiter les lieux. Cela procède d’une recherche de bien-être applicable non seulement au domicile, mais aussi aux lieux publics (hôpital, métro, bureau, avion). Le XXe siècle finissant se soucie d’esthétique olfactive.

L’olfaction est intimement liée à la mémoire, d’où la notion de « syndrome proustien » fréquemment employée dans l’ouvrage. La puissance évocatrice des odeurs mémorisées est sans équivalent. «Contrairement aux autres sens, l’olfaction n’accède pas directement à la conscience. Elle entre dans le cerveau par le système limbique où elle se colore aussitôt d’émotion et œuvre dans l’inconscience de nos goûts et nos inclinations».

Méfions-nous de l’olfaction, c’est un sens peu contrôlé! Dans les supermarchés, les clients qui repartent avec un poulet rôti ne savent pas forcément que c’est l’odeur du grill qui a déclenché leur acte d’achat. Autre exemple: le chiffre d’affaire du rayon boulangerie dépend souvent du parfum de pain chaud qui s’en dégage.

Une odeur peut permettre d’améliorer la prédisposition du consommateur envers une marque ou un lieu de vente. Certaines entreprises développent des logos olfactifs («logolfs») qui symbolisent leur identité comme la lavande évoque la Provence.

Pour l’anecdote, il faut savoir que la Suisse dispose désormais de son propre «logolf», qui n’a rien à voir avec Expo.01. C’est le designer Michel Jordi qui a créé cette senteur censée évoquer l’air vivifiant des Alpes. Son nom: Spirit of Switzerland.

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«Le marketing olfactif», de V. Barber, P. Breese, N. Guichard, C. Lecoquierre, J.M. Lehu, R. Vanheems. Editions Les Presses du Management,1999.

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