La plus ancienne maison d’imperméables anglais s’est transformée en l’espace de quelque années en une des marques les plus copiées de la planète. Après un parcours sans faute, le designer Christopher Bailey remet Burberry dans le droit chemin.
Le manteau trapèze en lamé or qui clôture le défilé d’été 2006 résume à lu seul le nouvel état d’esprit qui règne chez Burberry. Une recherche d’élégance et de désinvolture aristocratique qui n’a pas peur de se mélanger au cool. Les photos de Twiggy dans les rues de Londres, mixées aux portraits des princesses royales harcelées par les paparazzis en sont l’inspiration. A 35 ans le créateur Christopher Bailey a réussi à imposer l’une des plus ancienne marque de mode britannique sur le devant de la scène internationale.
Burberry, qui vient de fêter ses 150 ans en mars, est en phase d’expansion verticale avec un chiffre d’affaires, passé en 8 ans de 350 millions à 3 milliards et demi de dollars. Avec six lignes de vêtements autour du seul nom Burberry, des bureaux de création à Londres et des défilés présentés à Milan, la vénérable enseigne s’inscrit désormais parmi les marques de luxe qui font les tendances.
Trench
Burberry c’est d’abord un imperméable, qui fait aujourd’hui figure de classique. «Sid Vicious» des Sex Pistols et la reine d’Angleterre ont porté tous les deux des impers Burberry à doublure écossaise, résumait récemment Christopher Bailey lors d’une interview. Comme le jean, le trench n’a pas d’âge et ceux qui s’intéressent à la mode, de même que ceux qui n’y connaissent rien, ont envie d’en porter un.»
Ce véritable chef d’entreprise au physique de guitariste de rock reconnaît pourtant préférer les week-ends à la campagne, aux soirées à la mode. Repéré à 22 ans par Donna Karan lors d’une visite au Royal College of Arts de Londres où il passe ses examens, Christopher Bailey est engagé sur le champ et part s’installer à New York. Deux ans plus tard, en 1996, Tom Ford est à Manhattan et demande à le rencontrer. Le créateur américain est alors en train de transformer Gucci en un des succès de marketing les plus légendaires des années 90. Séduit par son énergie, Christopher Bailey restera six ans à ses côtés, accumulant une inestimable expérience. En 2001 un nouveau défi s’impose lorsque Rose Marie Bravo, alors directrice de Burberry, lui demande de remplacer Roberto Menichetti.
Un histoire de clan
C’est à partir de 1856 déjà, que Thomas Burberry habille les officiers de l’armée britannique. Pourtant son imperméable de gabardine ne deviendra un classique qu’en 1962 avec Holly Golightly, le chevalier servant d’Audrey Hepburn dans Breakfast at Tiffany’s. Il faudra encore attendre 1987 pour que le créateur Roberto Menichetti fasse sauter le “s” de Burberry’s et en faire une marque branchée. Du jour au lendemain la doublure écossaise du mythique imperméable, striée de lignes beige et marron devient un phénomène de mode. Les campagnes de publicité Burberry vont afficher l’image d’une gentry britannique décadente sous les traits de Kate Moss en héritière Rock’n Roll.
Et c’est le choc. Cette imagerie sulfureuse connaît un tel succès, que les contrefaçons Burberry vont submerger le marché comme un raz de marrée de faux sacs et d’écharpes made in Taiwan. Victime de son succès, la marque londonienne cherche à faire marche arrière pour se distancier d’une popularité jugée voyante. Même si Christopher Bailey, qui est chargé de mettre en scène ce renouveau dès 2001, se défend de toute forme de ségrégation, l’imprimé Burberry que l’on voit partout dans la rue, disparaît alors définitivement des podiums.
Ladies & Gentlemen
Définitivement, pas tout à fait. A l’exemple du modèle de marketing instauré par Gucci, toute maison de prêt à porter de luxe qui prend sa survie au sérieux, se doit de créer une ligne d’accessoires. Christopher Bailey a été formé à bonne école et les sacs à main imprimés d’un plaid (revu et corrigé), deviennent des incontournables dans la garde robe des accros de mode.
Burberry s’invente un nouveau visage incarné par la chicissime aristocrate, Stella Tenant. Pour la collection d’été 2006, les mannequins en robes de soie ultra conservatrices sortent sur le podium avec un bonnet tricoté de rappeurs, porté au raz des yeux. Un chaud froid que Christopher Bailey sait manier d’une main contemporaine, sans clin d’oeil trop appuyé. Sa collection est un hommage aux années de bohèmes d’une Princesse Margaret, «qui jette un vieil imper sur ses épaules, pour se rendre à un dîner officiel en robe de bal». On retrouve les pull en V de la Princesse Anne, ceinturés d’un ruban de satin dans un subtil mélange de raideur réactionnaire et du cool de la rue.
Burberry défile désormais à Milan et délaisse la scène de la mode londonienne pour le circuit international des défilés italiens, sans une minute de décalage avec l’actualité. Après une collection pour homme mémorable, inspirée par la palette de couleurs du peintre David Hockney, c’est sur la garde robe de Lord Mountbatten que Christopher Bailey s’est concentré depuis deux saisons. L’histoire militaire de la marque est traduite avec ces impers bleu marine, blindés de boutons dorés, comme un retour à l’élégance au carré de la marine britannique. Les inconditionnels de Burberry retrouveront les cardigans de lambswool camel du Prince Charles en week-end à Sandrinham, aussi collants que dans les années 70 et accompagnés de chemises imprimées. Les costumes cintrés ont autant de glamour que des uniformes et sortent dans la rue avec, jeté sur les épaules, le fameux imper Burberry. Le seul, l’original.
