LATITUDES

Les malheurs de la beauté

Nul besoin de se nommer Charlize Theron ou Segolène Royal pour être victime de ce que le sexologue Willy Pasini appelle «les désavantages de la beauté».

Vanessa Liborio avait bien pris garde à ne pas trop se mettre en valeur lors de ses examens de maturité: «Je portais mes lunettes et un tailleur très strict, pour qu’il soit bien clair que je ne comptais que sur mes facultés intellectuelles», se souvient-elle.

Devenue avocate à Genève, la jeune femme, aujourd’hui âgée de 29 ans, doit toujours faire attention à son look. «Dans mon milieu, la beauté est un handicap que l’on surmonte avec le temps», dit-elle.

La comédienne Charlize Theron connaît bien ce phénomène, que l’on appelle parfois le «pretty face syndrome». Afin de montrer que son talent ne se limitait pas à un joli visage, elle a choisi en 2003 de s’enlaidir à gros traits pour le film Monster. Cette technique radicale lui a plutôt réussi: elle lui a valu un oscar, et plus personne n’ose aujourd’hui remettre en cause ses compétences d’actrice.

L’élégante Ségolène Royal devra-t-elle également s’enlaidir, ou du moins s’en tenir à des tailleurs très stricts, pour convaincre les électeurs qu’elle est apte à diriger la France? Pas forcément. «En disant que l’élection présidentielle n’était pas un concours de beauté, ses détracteurs, comme Jean-Luc Mélenchon, se sont décrédibilisés, indique Carl Meeus, coauteur d’un livre sur le sujet*. Ils ont démontré qu’ils appartiennent à une époque révolue, dont les Français veulent se débarrasser. Dans ce sens, ils ont rendu service à Ségolène Royal, qui peut désormais jouer la carte du charme sans aucun complexe.»

Mais ce qui est valable dans la course à la présidence ne l’est pas forcément en milieu professionnel. «Une femme vraiment magnifique peut avoir de la difficulté à être prise au sérieux», estime l’ex-députée genevoise Barbara Polla.

«Dans certains milieux, si vous êtes trop jolie, on vous associe tout de suite au cliché Barbie et l’on vous prend pour une incompétente», dit Mickaëlle Pra, consultante en recrutement à l’agence genevoise Necstep.

Le problème ne se limite d’ailleurs pas à la crédibilité: un second écueil, celui de la jalousie féminine, risque également de péjorer la candidature des trop jolies femmes. «Nous leur recommandons de faire attention à ne pas mettre de jupe trop courte ni de décolleté, car les trois-quarts des responsables en ressources humaines sont des femmes, et les femmes ne sont pas toujours tendres entre elles…»

Dans son livre Les sept avantages de la beauté, qui vient de paraître, le sexologue Willy Pasini consacre justement un chapitre à ce problème, qu’il appelle «les désavantages de la beauté». A-t-il vraiment rencontré des femmes qui se trouvaient trop belles? «Oui, j’ai connu une blonde qui s’est coupé les cheveux pour devenir avocate pénaliste, dit-il en riant. Et une personne très belle, nonne de caractère, qui n’aimait pas les compliments qu’elle recevait constamment. Elle s’est donc mise à s’habiller en pantalons et s’est teint les cheveux en brun après se les être coupés!»

Le point commun entre ces personnes qui souffrent de leur beauté? «Elles veulent réussir grâce à leur intelligence», résume Willy Pasini.

——-
*La madone et le culbuto ou l’inlassable ambition de Ségolène Royal et François Hollande. De Marie Eve Malouines et Carl Meeus. Editions Fayard, 361 p.

Les sept avantages de la beauté. De Willy Pasini. Editions Odile Jacob, 240 p.

——-
Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 1 juin 2006.