- Largeur.com - https://largeur.com -

Nelly, frigorifiée, gâche à peine un bel été

L’Helvète n’est peut-être pas bon tireur de penalty mais, en revanche, quel financier, et quel entrepreneur! A ce Mondial-là, on ne craint personne et une kyrielle de bonnes nouvelles vient le confirmer, dans un azur toujours plus serein. 700 millions, puis 1,4 puis 1,9 milliards: c’est l’excédent de recettes de la Confédération budgétisé par notre grand argentier Hans-Rudolf «Gargamel» Merz pour les trois prochaines années.

Grâce à «la rigueur», bien sûr, qualité notoirement nationale, qui consiste à avoir le porte-monnaie plus proche de la tête que du ventre. Grâce aussi au miraculeux et barbare «désenchevêtrement des tâches» qui consiste, comme par exemple Poutine l’a brillamment réalisé en Russie, à déléguer toute une série de compétences fédérales aux régions ou cantons, sans leur concéder l’intégralité du financement. Résultat: un budget central qui reprend magiquement sa belle couleur noire, et des cantons, des provinces, des régions qui voient de plus en plus rouge.

Mais ne chipotons pas: les chiffres de Merz dégagent un sympathique parfum nostalgique ressurgi des trente glorieuses et d’ailleurs les cantons essaient de jouer le même petit jeu avec leurs communes. Et puis, sur le front économique, les nouvelles sont encore meilleures: l’indice UBS, sorte de baromètre du PIB, annonce pour les deuxième et troisième trimestres une croissance de 3,5%, des carnets de commandes qui débordent, et des chiffres d’affaires en érection permanente. Du jamais vu depuis le déjà bien oublié «boum de l’an 2000».

Dans ce contexte quasi euphorique, ceux qui piétinent et échouent sont d’autant montrés du doigt. On citera par exemple, ces derniers jours, coincés dans la nasse médiatique, une chocolatière, une taupe, et un procureur de la Confédération. Les tireurs de penalty c’est sûr se sentiront moins seuls dans l’échec humiliant, eux qui se retrouvaient, quelques heures seulement après la déroute ukrainienne, déjà brocardés à travers ces witz dont on ne sait d’où ils naissent, mais qui se répandent comme la peste jaune. Du genre, au procès de Saddam, la lecture de la sentence par les juges: «Nous avons une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise c’est que vous serez fusillé et la bonne, que les tireurs seront Streller, Barnetta et Cabanas.»

Oui, moins seuls ces trois-là. Grâce d’abord à l’irrésistible Nelly Wenger qui se prend les escarpins dans le Frigor. Les vieux chocolats emballés par Nouvel n’emballent guère, justement, et les ventes s’effondrent. Dame Wenger a beau répéter, à la Coué, qu’il est «parfaitement faux de parler d’échec», cela y ressemble quand même un peu. Haro donc, par pleines pages rédactionnelles, courriers vociférants de lecteurs ou blogs courageusement masqués, sur la pauvre Nelly, qui s’en remettra sans doute.

Du procureur de la Confédération Valentin Roschacher, en revanche, qui vient de démissionner, il n’est pas sûr qu’on entende reparler avant longtemps. Après s’être compromis avec des informateurs plus que douteux, genre trafiquants de drogues colombiens, le bon Valentin a réussi à se fâcher avec Blocher et les medias, ce qui faisait un peu beaucoup pour un homme entendant passer l’été.

Quant à la taupe Claude Covassi, cet homme qui avait infiltré le centre islamique d’Hani Ramadan à Genève pour le compte des services secrets, avant de passer à l’ennemi et prendre la fuite du côté de l’accueillante Egypte, il devait se présenter, à sa demande, devant une commission fédérale pour faire des révélations. Mais finalement la taupe est restée dans son trou, arguant que le délai de 48 heures fixé par la commission n’était pas suffisant pour se préparer correctement. Question espionnage, on est plus proche ici de Mister Bean que de John le Carré, et l’ATS, dans une intuition aussi géniale qu’involontaire, commettait la coquille de l’année, en appelant ce monsieur «Cocassi».

Le Conseil fédéral peut donc, lors de sa traditionnelle course d’école, aller trinquer en paix avec les habitants de Stäfa dans le canton de Zurich. L’horizon s’annonce plus dégagé que jamais, les rares loosers du pays — procureur naïf, chocolatière pincée, taupe aux petites pattes, tireurs de penalty aux trop grands pieds — n’ayant rien de spécialement beautiful.