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La double bataille du 24 septembre commence dans la confusion

Partisans et adversaires des lex Blocher rivalisent d’humanisme, tandis que l’affectation des bénéfices de la banque nationale déclenche la guerre des porte-monnaie. Analyse.

Les étrangers et la richesse nationale: difficile cette fois d’entonner la complainte convenue sur l’inanité des objets soumis habituellement en votation.

Le 24 septembre prochain, en effet, avec les lex Blocher qui proposent un durcissement des conditions d’asile, et l’affectation des bénéfices annuels de la BNS au fond AVS proposée par l’initiative de gauche «Cosa», les urnes devraient bruisser de toutes les passions mais aussi, hélas, de toutes les confusions.

Un premier signe ne trompe pas: Blocher, pourtant totalement dans son rôle sur ce coup-là, et appuyé par une UDC qui en salive d’avance, annonce que, non, il ne viendra pas, pour une fois, ferrailler sur le sujet et défendre son bébé à Arena, l’incontournable émission politique de la TV alémanique. Au prétexte que ce serait aux partis de faire campagne alors que lui-même ne s’était pas gêné jusqu’ici pour mouiller sa chemise de conseiller fédéral ou la troquer contre le polo du militant.

Blocher consent bien à parler, mais tout seul: il se contentera d’informer la population lors d’une vaste tournée des salles polyvalentes du pays profond, sans débat contradictoire.

On peut le comprendre. A l’image du citoyen lambda, il s’est peut-être pris lui-même à douter. Qui croire en effet, à mesure que la campagne avance? Les uns — la gauche, les églises, les comités d’artistes et d’intellectuels mais aussi un comité bourgeois pour le non — affirment que la nouvelle législation sur les requérants et les étrangers est tout à fait inhumaine et piétine sans vergogne la dignité de la personne et le droit international.

Les autres — PDC radicaux et UDC — jurent au contraire que les textes sont parfaitement équitables, et protègent les intérêts des vrais réfugiés en démasquant les abus des faux. Arguments respectables contre idées nobles, et pour tout arranger, le camp du oui comme celui du non comptent chacun dans leur rang autant d’humanistes patentés et de juristes brevetés dont la bonne volonté ne fait qu’obscurcir un peu plus le débat.

L’un des points les plus controversés — la non entrée en matière pour les requérants démunis de papiers — entretient tous les fantasmes. Ceux qui connaissent un tant soit peu la réalité des centre de requérants savent qu’il s’agit de l’abus le plus répandu: on dissimule son passeport pour s’inventer une nationalité plus favorable.

On n’est plus géorgien mais miraculeusement tchétchène. Mais nombre de Suisses de la première génération savent aussi que si une telle mesure avait été en vigueur lorsque leurs parents se sont présentés à la frontière, ils ne seraient pas ici pour en parler.

Troublante coïncidence: Hans-Rudolph Merz, grand argentier, concerné donc au premier chef par la votation sur les bénéfices de la BNS, n’honorera pas non plus de sa présence les prochains débats qu’Arena consacrera au sujet. Au motif que la nouvelle formule de l’émission réduit le nombre de debaters à quatre, un chiffre que l’Appenzellois juge insuffisant pour sa peu modeste personne.

Là l’affaire est pourtant simple, mais c’est ce qui la rend complexe. Merz comme à peu près l’ensemble de la droite estime que c’est une mauvaise idée d’affecter à l’AVS ce bel argent qui serait tellement mieux dans ses caisses à lui. Les représentants des cantons n’y sont pas plus favorables et veulent garder pour eux ce pactole. Enfin, «pour eux»: disons, moins abruptement, pour leurs finances publiques.

Les organisations de jeunesse politiques aussi, socialistes exceptés, trouvent qu’il serait inopportun de couvrir les anciens d’or. Elles verraient mieux ces richesses affectées à la formation. C’est-à-dire, là encore, à elles-mêmes.

Des votes donc qui risquent de partir dans tous les sens. Mais là il ne s’agit plus d’un combat entre belles idées creuses: plutôt entre petits intérêts bien égoïstes.