KAPITAL

«J’ai créé le plus grand marché aux puces du monde»

Gratuit et simple d’accès, CraigsList s’est imposé comme un leader mondial des petites annonces, et concurrence la presse traditionnelle. Son fondateur, Craig Newmark, explique comment à Largeur.com.

Je voulais acheter un iPod a bas prix, j’ai fini par vendre des flacons de parfum. L’annonce m’avait intriguée. «Achète parfums entamés, bas prix». Une collectionneuse de flacons? Non, une jeune femme fauchée, éprise d’effluves de luxe.

Elle m’a acheté un Chanel et un Caroline Herrera à 10$ pièce, je lui ai offert un Bulgari à peine testé. Tout ça grâce à good quality cialis.

Fondé en 1995, par Craig Newmark à San Francisco, Craigslist est devenu un phénomène du Net, un business model envié et un site culte. Craig aime à dire qu’il a créé un «le plus grand marché aux puces du monde». Appartements, automobiles, électronique, rencontres amoureuses, offres d’emploi, objets trouvés, tout y est, même les petites annonces à la Libé (les fameux «transports amoureux» du quotidien français) rendues par un plus pragmatique et très américain «missed opportunities» (opportunités manquées).

«Je crois que nous avons réussi parce qu’au fond, nous aidons les gens», explique Craig Newmark à Largeur.com. Le génie de CraigsList? La simplicité du site, son design désuet que Craig refuse de retoucher, l’instantanéité de la publication, sa gratuité surtout, ou presque.

Seuls les employeurs passent à la caisse, et uniquement à San Francisco (75$ l’annonce), New York et Boston (25$). Dans les autres villes (au nombre de 300, dont Genève et Zurich, dans 50 pays) Craigslist reste totalement gratuit. Depuis peu, les agents immobiliers new-yorkais sont taxés 10$ l’annonce. «Ils polluaient le site en publiant des dizaines de fois la même annonce», explique Craig Newmark.

Je me suis amusée à demander autour de moi qui avait eu recours à CraigsList. A New York, c’est devenu si courant: Emmanuelle, attachée de presse à l’ONU, y a trouvé une nounou pour sa fille: «Pourquoi payer une agence, quand souvent elles ne font pas leur boulot?» Paul, un musicien new-yorkais, vient d’acheter un laptop pour sa femme. «C’est moins cher qu’eBay et tu ne te laisses pas avoir par la fièvre des enchères.»

Gerold, un acteur-chauffeur de limousine à Los Angeles a trouvé trois employeurs. «Des jobs corrects, je bosse encore pour ces boîtes, à la demande.»

Le succès de CraigsList est tel qu’on lui reproche d’être le fossoyeur de la presse écrite qui accuse une baisse de son volume de petites annonces. Les journaux de la région de San Francisco auraient perdu 50 millions de dollars en 2005 à cause de CraigsList, selon le Classified Intelligence Report. «Notre site a changé les habitudes des annonceurs locaux, reconnaît Craig, mais les chiffres sont exagérés.»

Fondée à l’époque de la bulle internet, CraigsList est l’une des rares entreprises à avoir survécu sans s’être fait avaler par plus gros qu’elle. En 1999, Craig refusait une offre de Microsoft. Des rumeurs de rachat par eBay ont circulé quand un des associés de Craig a vendu le 25% de ses parts au géant des enchères en ligne.

Le chiffre d’affaires de CraigsList reste un secret. Entre 10 et 20 millions de dollars, estiment les analystes. Craig, lui, affirme ne pas savoir. Il cultive le détachement sur le succès de son projet. Il s’admet fondateur, mais pas CEO. Il a engagé plus performant que lui pour ces fonctions. Il dit n’être qu’un «simple employé».

«Je fais du service à la clientèle, je suis trop nul en gestion.» CraigsList reçoit chaque mois 5 milliards de visiteurs, 10 millions d’annonces, 500’000 pour les seules offres d’emploi. Sa petite entreprise, installée dans une maison victorienne de San Francisco, n’emploie que 21 personnes.

«Nous sommes un service orienté sur la communauté», poursuit Craig. Ses détracteurs ont beau insister sur les risques à échanger, vendre, acheter sur le site, il ne bronche pas: «Nous avons moins de 1% de fraudes sur nos échanges.»

CraigsList a institué un système de marquage pour permettre aux utilisateurs de faire leur police en signalant les comportements inappropriés ou les fraudeurs. «Cela marche assez bien, grâce à ce côté communautaire.»

Globalement, les utilisateurs de la liste ont l’air satisfaits. Même JP, un ami qui a passé une nuit en prison et a dû payer 2000 dollars de frais d’avocat suite à une altercation violente avec une colocataire dénichée via CraigsList, ne verse pas dans l’opprobre: «Tu trouves tout ce que tu veux sur Craig, le seul truc que je n’y chercherai plus, c’est un coloc, pour le reste c’est génial.»

Ces dernières années, CraigsList s’est illustré pour ses rencontres coquines pour ne pas dire scabreuses. «C’est le meilleur endroit pour trouver un bon coup», me confirme une connaissance. «Cela marche à cause du “right now”, le plan baise dans l’heure qui suit la publication de l’annonce», me dit mon pote. Un succès qu’il met sur le compte de «la gratuité et l’organisation par quartier».

Les annonces à caractère sexuel cachent parfois des offres de prostitution. Un comédien drag-queen en a fait une boutade dans son spectacle new-yorkais. Quand il fait allusion aux «petits boulots CraigsList», l’audience comprend au quart de tour. Craig Newmark admet que son site est utilisé par des professionnels du sexe. Mais il doit aussi régler d’autres priorités, «celles que mentionnent nos visiteurs».

La dernière en date? «Des politiciens à Washington auraient payé des lobbyistes pour placer des messages politiques faux et diffamatoires sur le site, la police enquête, je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant.»