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La Tête de Moine? Un destin planétaire

Les ventes de la spécialité jurassienne ont augmenté de 34% au premier semestre 2006. Avec son drôle de système à girolle, c’est le quatrième fromage le plus exporté, derrière l’Emmental, le Gruyère et l’Appenzeller.

«La Tête de Moine est un produit unique au monde: c’est le seul fromage que l’on racle avec une girolle et que l’on consomme en rosette. Nos résultats s’expliquent simplement par le fait que nous n’avons aucun concurrent direct.»

Olivier Isler, directeur de l’Interprofession Tête de Moine (sic), a le triomphe modeste. Au premier semestre 2006, les exportations de ce fromage ont fait un bond de 34% par rapport au premier semestre de l’année précédente. Ce taux risque certes de faiblir sur le reste de l’année, car les clients ont constitué des stocks. Mais il est d’ores et déjà certain que l’on s’achemine vers un nouveau record des ventes en 2006, pour la troisième année consécutive.
La progression est portée par l’engouement des Allemands pour ce fromage jurassien. «Les ventes y augmentent à un tel rythme qu’on consommera bientôt davantage de Tête de Moine outre-Rhin qu’en Suisse», sourit Olivier Isler.

En 2005, la production a atteint 1800 tonnes, dont plus de la moitié a été vendue à l’étranger. L’Allemagne absorbe déjà 55% des exportations, suivie par la France (23%) et le Benelux (6%). Bref, c’est un succès autant à l’échelon helvétique qu’au niveau international.

Mais pour Olivier Isler, cet exploit est surtout le fait des huit fabricants de la filière Tête de Moine qui n’ont rien fait d’autre que de respecter les critères de qualité. La zone de production est partagée entre le canton du Jura et le Jura bernois. Elle se situe entre La Chaux-de-Fonds, Saignelégier, Tavannes et Delémont.

Sur les vingt dernières années, la progression a été spectaculaire. La production de Tête de Moine a décuplé, au point que cette gourmandise d’apéritif est devenue le quatrième fromage suisse le plus exporté, derrière l’emmental, le Gruyère et l’Appenzeller. Et cela, sans grand effort de marketing.

«Nous privilégions le contact direct. Des gens de la région nous représentent sur les marchés étrangers et participent aux foires locales. Nous invitons aussi des journalistes européens pour leur faire découvrir notre travail. C’est tout», relate Olivier Isler.
Pour Jérôme Estèbe, journaliste gastronomique animateur du blog Top Slurp Estèbe de la Tribune de Genève, l’engouement pour la Tête de Moine est dû à une invention de génie: la girolle. En 1981, Nicolas Crevoisier, un mécanicien de précision jurassien, fait breveter l’appareil qui permet de racler le fromage en un tour de main et d’obtenir un morceau de fromage en jolie forme de fleur.

«Cet accessoire de cuisine s’est rapidement imposé dans l’ensemble des foyers. A part le micro-ondes, peu de nouveaux ustensiles se sont généralisés de la sorte. Cela a popularisé la Tête de Moine. Les enfants adorent, dit Jérôme Estèbe. C’est devenu un classique des assiettes de fromages dans les chalets d’alpage. Le produit a une identité forte, bien que sa saveur ne soit pas inoubliable.»

Car malgré son succès, la tête-de-moine n’a pas le prestige du Gruyère d’alpage affiné, qui a sa place dans les restaurants gastronomiques.
Au début 2001, la Tête de Moine reçoit son appellation d’origine contrôlée (AOC). «L’impact a été positif sur nos ventes, surtout en France et dans le sud de l’Europe. En revanche, les pays du Nord y sont totalement insensibles», observe Olivier Isler. Mais la réussite ne lui a pas fait perdre la tête.

«Nous sommes situés dans une niche. Nous représentons entre 1 et 2% de la production de fromages en Suisse. Notre objectif est d’atteindre une production de 2000 tonnes en 2008. C’est à peine 200 tonnes de plus qu’en 2005 et nous y sommes presque. Mais pas question d’aller au-delà. Nous avons un cahier des charges très strict en raison de notre AOC. Cela nous obligerait à sacrifier la valeur ajoutée au profit du volume.»

Du côté des fromages, les exportations en progression sont celles des spécialités: Tête de Moine, Gruyère, Appenzell et Vacherin fribourgeois. L’emmental connaît un regain de popularité. Mais ses ventes s’étaient écroulées quand l’Etat a cessé de protéger la production. Face à la libéralisation du marché suisse, la Tête de Moine est souvent citée comme exemple d’un produit différencié, pour lequel le consommateur accepte de payer plus cher.

Les origines de la Tête de Moine remontent au XIIe siècle. On connaît cette pâte dure sous le nom de «fromage de Bellelay», car il était fabriqué par les moines de cette abbaye située dans le Jura bernois. A la fin du XVIIIe siècle, il est rebaptisé «Tête de Moine». Pour les uns, cette appellation vient de la période révolutionnaire où on a assimilé la forme du fromage à la tonsure d’un moine. Pour les autres, il s’agissait d’une quantité de fromage stockée «par tête de moine» à l’abbaye. Le terme aurait été étendu au fromage lui-même.

La consécration intervient en 2004. En visite officielle au Japon, le président de la Confédération suisse Joseph Deiss choisit d’offrir une Tête de Moine et une girolle au premier ministre japonais Koisumi, comme emblème du savoir-faire helvétique.