CULTURE

Disco ou aristo, le cheval revient au galop

Clin d’oeil à l’emblème disco ou référence bourgeoise intemporelle, le quadrupède fait un retour en force sur le front de la mode, de la musique et de la pub.

Son entrée au Red Club de Lausanne a fait sensation le mois dernier: Xenia Tchoumitcheva, dauphine de Miss Suisse, est arrivée en chevauchant un équidé blanc déguisé en licorne.

«Nous voulions faire un clin d’oeil au glamour des 70’s, à sa nonchalance et à sa créativité, explique Claudio Righetti, organisateur de l’événement. C’est plus précisément une référence à Bianca Jagger, ex-femme du célèbre chanteur des Rolling Stones qui, en son temps, avait fait une apparition au Studio 54 à cheval.»

Après le chien du porno chic, c’est au tour du cheval d’être recyclé dans l’industrie de la mode et de la publicité. Les créations d’hiver très équestres de nombreux stylistes, comme celles de Nicolas Ghesquière chez Balenciaga (avec bottes et bombe), ont annoncé ce retour sur les catwalks.

Discrètement présent dans l’imagerie d’Hermès depuis ses débuts, il est cette année un élément central de la campagne de la marque. Les icônes de la pop ont suivi le mouvement: sur la pochette de son dernier album, la rappeuse américaine Missy Elliott monte un étalon noir et Madonna arbore, dans le cadre de sa tournée mondiale, de nombreux accessoires d’équitation griffés Jean Paul Gaultier.

«Lorsque les femmes ont commencé à faire de l’équitation, leur tenue s’est adaptée en conséquence, indique Leyla Neri Belkaïd, responsable de la section design de mode à la Haute Ecole d’arts appliqués de Genève. Le retour cyclique à l’image de l’amazone fait référence à ce mouvement d’émancipation.»

Selon elle, le cheval répond à une forte envie de confort et de luxe qui contraste avec la déprime des années 90. Avec un intérêt commercial évident: «L’accessoire fait vendre, toutes les maisons le savent. Rien de tel pour écouler de longues bottes en cuir que de créer l’univers qui les accompagne.»

Pour le psychologue Paul Diel, spécialiste du symbolisme dans la mythologie grecque et les textes bibliques, le cheval «évoque l’éveil des forces impulsives et imaginatives». Il est symbole d’ardeur, de fécondité et de générosité.

Impossible dès lors de le dissocier de sa connotation sexuelle – le terme «chevaucher» s’utilise d’ailleurs volontiers dans la littérature érotique. «La pratique du cheval s’apparente sur certains points à l’acte sexuel, remarque le styliste français Frédéric Luca Landi. Elle implique un rapport de confiance, de contrôle, d’excitation face à l’inconnu, mais aussi de peur et de domination.»

Jouant sur ce parallèle provocateur, Pierre Keller, directeur de l’Ecal, avait ainsi réalisé un recueil de photographies de croupes de chevaux en 1988. «On a l’habitude de voir ces bêtes de face, je trouvais intéressant de les montrer de derrière pour une fois», dit-il aujourd’hui.

Symbole de majesté, le cheval comprend également une dimension très classique. De nombreux créateurs n’hésitent d’ailleurs pas à mettre en avant des influences telles que l’Angleterre du XIXe siècle ou la Russie des tsars.

Enterrées, donc, les extravagances des années 80 ou le minimalisme des 90’s. «Le vrai luxe doit être pérenne, indique Frédéric Luca Landi. On l’achète aussi dans l’optique de le léguer.»

La femme actuelle serait ainsi à la fois hyperféminine, forte, raffinée et très élégante. L’image noble et aristocratique du cheval s’accorde parfaitement à cette tendance. Selon le couturier, le style équestre ne s’adresse pas aux gamines: il s’adresse en particulier aux femmes de 30 à 50 ans, qui pourraient physiquement pratiquer l’équitation, le polo ou même la chasse à courre.

«Porter ce type de vêtements nécessite de l’expérience et une très bonne connaissance de son corps. Je doute que Madonna ait eu l’air très crédible dans une tenue d’écuyère il y a une vingtaine d’années», dit Frédéric Luca Landi.